
L’année 2025 s’achève sur une séquence électorale dense et symbolique dans quelques pays du continent. En l’espace de quelques jours, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Centrafrique organisent ou bouclent des scrutins majeurs, chacun révélateur de dynamiques politiques propres, mais aussi de défis communs : participation électorale, crédibilité des processus, rapport entre pouvoir et opposition. Tour d’horizon d’une ultime semaine élective hautement suivie.
Côte d’Ivoire : des législatives sous le signe des indépendants et des fractures politiques
Un peu plus de deux mois après l’élection présidentielle, les Ivoiriens sont de nouveau appelés aux urnes ce samedi 27 décembre pour élire les 255 députés de l’Assemblée nationale. La campagne, officiellement close à la veille du scrutin, a été rythmée par des meetings de clôture, des caravanes dans les grandes artères d’Abidjan et des déplacements de proximité dans les marchés et les quartiers populaires de l’intérieur du pays.
Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti au pouvoir, aligne plus de 200 candidats. Fort de son bilan gouvernemental, il ambitionne de conserver une majorité confortable au Parlement afin d’assurer la continuité de l’action présidentielle. En face, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), principal parti d’opposition avec 163 candidats, tente de mobiliser autour de l’idée d’un nécessaire contrepoids parlementaire. Dans certaines circonscriptions stratégiques, notamment à Yopougon et Abobo, le PDCI s’est allié au Front populaire ivoirien (FPI).
Certains candidats de l’opposition ont fait de la promesse d’une loi d’amnistie générale en faveur de « prisonniers d’opinion » un axe fort de leur discours. Reste toutefois l’incertitude majeure de la participation, le PDCI ayant été absent de la Présidentielle et devant encore convaincre ses militants de retourner aux urnes. Le scrutin est par ailleurs marqué par le boycott du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de l’ancien Président, Laurent Gbagbo, qui dénonce l’arrestation de plusieurs de ses militants et remet en cause les conditions du processus électoral.
Autre fait marquant : le poids inédit des candidats indépendants. Près de 800 indépendants sont en lice pour 255 sièges, soit environ 60 % des candidatures. Souvent issus des grands partis mais écartés des investitures officielles, ils pourraient jouer un rôle décisif dans de nombreuses circonscriptions, notamment là où les scores s’annoncent serrés. Si leur influence électorale reste difficile à mesurer – en 2021, ils avaient recueilli moins d’un cinquième des suffrages –, leur présence massive, conjuguée aux dissidences internes au RHDP comme au PDCI, introduit une forte dose d’incertitude dans l’issue du scrutin.
Centrafrique : une quadruple élection sous des perceptions contrastées
À Bangui et dans l’ensemble de la Centrafrique, la campagne électorale s’est achevée vendredi 26 décembre après deux semaines intenses. Le scrutin centrafricain, prévu dimanche 28 décembre, est inédit par son ampleur : Présidentielle, législatives, municipales et régionales se tiennent simultanément. Près de six millions d’électeurs sont appelés à se prononcer. À la veille du vote, les sentiments oscillent entre enthousiasme et scepticisme. Dans les rues de Bangui, certains citoyens saluent une campagne relativement apaisée, une rareté dans l’histoire électorale récente du pays. « C’est la première fois que nous traversons une période électorale sans violence », se réjouit un jeune habitant de la capitale.
D’autres, en revanche, dénoncent une compétition jugée inéquitable. Des voix s’élèvent pour critiquer un accès inégal aux moyens de campagne, l’usage présumé de la force publique au profit de certains candidats et des entraves à l’expression politique de l’opposition. Pour ces électeurs désabusés, le scrutin serait joué d’avance et manquerait de crédibilité. Malgré ces critiques, les électeurs centrafricains sont attendus dans les bureaux de vote qui seront ouverts de 6 heures à 18 heures heure locale. L’enjeu est de taille : au-delà du choix des dirigeants, il s’agit de tester la capacité du pays à organiser des élections inclusives et apaisées dans un contexte sécuritaire encore fragile.
Guinée : une Présidentielle clé pour le retour à l’ordre constitutionnel
En Guinée, le scrutin présidentiel du dimanche 28 décembre marque l’ultime étape du processus de transition engagé après le coup d’État du général Mamadi Doumbouya, plus de quatre ans plus tôt. Pas moins de 6,7 millions d’électeurs sont appelés à départager neuf candidats, dont Doumbouya le Président de la transition lui-même. Au lendemain de la clôture de la campagne, la directrice générale des élections (DGE), Djenabou Touré, s’est voulue rassurante. Elle a salué le calme observé tout au long de la campagne, en rupture avec les scrutins précédents, souvent émaillés de violences meurtrières. Sur le plan logistique, elle assure que tout le matériel électoral a été déployé sur l’ensemble du territoire et que les résultats provisoires devraient être annoncés 48 heures après le vote.
Cependant, ce tableau relativement serein est nuancé par les inquiétudes exprimées par les Nations unies. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, évoque un « espace civique et politique sévèrement restreint », dénonçant des intimidations contre des opposants, des disparitions forcées et des restrictions à la liberté des médias. Autant d’éléments susceptibles, selon l’ONU, de compromettre la crédibilité du processus électoral.
De la Guinée à la Centrafrique en passant par la Côte d’Ivoire, cette dernière semaine de l’année, marquée par des élections, met en lumière des trajectoires politiques contrastées. Si certains pays revendiquent des avancées en matière de calme et d’organisation, les questions de participation, d’équité et de confiance dans les institutions électorales demeurent centrales. À l’heure des urnes, l’enjeu dépasse les résultats immédiats : il s’agit, pour chacun de ces États, de consolider – ou de restaurer – le lien fragile entre citoyens, pouvoir politique et démocratie.





