
À la veille d’élections générales en Centrafrique, les paramilitaires russes, héritiers du groupe Wagner, s’affichent comme garants de la sécurité du scrutin et pilier du régime Touadéra, entre stabilisation et dépendance accrue à Moscou.
La République centrafricaine s’apprête à organiser dimanche 28 décembre un quadruple scrutin présidentiel, législatif, municipal et régional dans un contexte marqué par la forte présence de paramilitaires russes. Présentés comme les artisans de la stabilisation du pays, ces hommes liés au groupe Wagner sont devenus un rouage central du pouvoir du président sortant Faustin-Archange Touadéra, candidat à un troisième mandat.
Des élections générales sous tutelle sécuritaire russe
À la veille d’une journée de vote décisive regroupant présidentielle, législatives, municipales et régionales, la République centrafricaine se prépare à un scrutin placé sous la surveillance étroite des paramilitaires russes, derniers héritiers du groupe Wagner encore actifs dans le pays. Ces derniers, devenus des partenaires sécuritaires clés du gouvernement en échange de contrats lucratifs dans l’or et les diamants, promettent des élections « pacifiques » et se disent prêts à repousser toute provocation.
Ancienne colonie française riche en ressources naturelles, la Centrafrique organise ces élections générales alors que le président sortant Faustin-Archange Touadéra, 68 ans, brigue un troisième mandat en capitalisant sur la relative sortie du pays de l’instabilité chronique. Déployés depuis 2017 à la demande du chef de l’État pour soutenir une armée nationale désorganisée et sous-équipée, les combattants russes ont joué un rôle central dans la reconquête de territoires et la sécurisation de la capitale, renforçant ainsi la position de favori de Touadéra.
Le rôle déterminant des paramilitaires russes
Outre la formation des forces armées centrafricaines, les Russes revendiquent le désarmement de quelque 2 000 rebelles depuis le début de l’année et reçoivent des marques publiques de gratitude de la part de certaines populations. Des habitants de villes comme Batangafo et Boda leur ont adressé des « lettres de remerciement » ainsi que des demandes d’aide pour la construction d’hôpitaux ou la réparation de ponts, contribuant à façonner l’image de protecteurs et de bâtisseurs.
Cette reconnaissance s’affiche notamment sur une fresque murale près de l’aéroport de Bangui, représentant Vladimir Poutine serrant la main de Faustin-Archange Touadéra, encadrés de combattants russes en treillis. L’ambassade de Russie à Bangui a salué cette œuvre comme « un signe de notre victoire commune sur le chaos et l’instabilité », symbole du rôle clé joué par les paramilitaires russes pour consolider le pouvoir du président sortant, grand favori de la présidentielle.
Le représentant des paramilitaires russes en Centrafrique, Alexander Ivanov, affirme d’ailleurs que, « pour la première fois dans la longue histoire des conflits armés, les Centrafricains ont la possibilité de ne plus avoir peur pour leur vie », renforçant ainsi le récit d’une sécurité retrouvée grâce à leur présence.
Une stabilisation relative, mais des tensions persistantes
Les mercenaires liés à Wagner, dont le nombre est estimé entre 1 500 et 2 000 dans le pays, ont été déployés en 2017 après plusieurs années de guerre civile, contribuant à éviter une nouvelle conflagration majeure en 2020-2021 dans un pays marqué depuis 1960 par les coups d’État, les rébellions et les régimes autoritaires. Malgré une stabilisation relative depuis les accords de paix de Khartoum en 2019, des poches de violence persistent notamment dans l’Est et le Nord-Ouest du territoire.
À l’approche du quadruple scrutin, les paramilitaires russes, chargés d’assurer la sécurité des opérations de vote, affirment qu’ils prendront « extrêmement au sérieux » toute menace potentielle et se tiennent en alerte maximale. Cette présence massive, loin de dissiper toutes les inquiétudes, interroge sur la dépendance croissante de Bangui vis-à-vis de Moscou et sur les conditions dans lesquelles se déroule ce scrutin crucial pour l’avenir politique du pays.



