
Une enquête policière de grande ampleur révèle l’existence d’un trafic international de véhicules reliant l’Amérique du Nord à l’Afrique du Nord. Derrière des vols en apparence isolés se cachait une organisation hiérarchisée, capable de déplacer rapidement des centaines de voitures hors du Canada. Grâce à une opération ciblée menée au Québec, les autorités ont mis en lumière les mécanismes de ce commerce illégal, ses ramifications jusqu’au Maroc et les méthodes employées, incluant l’implication de mineurs, pour alimenter un marché clandestin particulièrement lucratif.
Les autorités canadiennes viennent de porter un coup sévère à un important réseau de vols de véhicules dont les ramifications dépassent largement les frontières du pays. À Longueuil, en banlieue de Montréal, une opération policière d’envergure baptisée Projet Damier a permis de démanteler une organisation structurée, soupçonnée d’avoir orchestré des centaines de vols avant d’exporter les véhicules à l’étranger, notamment vers le Maroc.
Un homme de 25 ans, présenté comme le chef de deux cellules criminelles actives, a été arrêté dans le cadre de cette affaire. Depuis cette interpellation, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de vols de voitures sur le territoire a chuté de manière spectaculaire. Alors que plus de 1 100 véhicules avaient été dérobés en 2024, les autorités n’en recensent qu’un peu plus de 380 pour l’année suivante, soit une baisse de près de 66%.
Des voitures canadiennes retrouvées jusqu’au Maroc
À l’origine de cette enquête tentaculaire se trouve un geste simple, mais déterminant. En octobre 2024, un citoyen alerte la police après avoir observé des allées et venues suspectes impliquant un Toyota RAV4, l’un des modèles les plus prisés par les réseaux de voleurs, ainsi qu’une voiture de luxe. Ce signalement va permettre aux enquêteurs de remonter progressivement la chaîne jusqu’au présumé cerveau de l’organisation, un résident de la Rive-Sud de Montréal arrêté à la fin du mois de novembre.
Aujourd’hui, ce dernier fait face à des dizaines d’accusations liées au vol, au recel et à l’exportation illégale de véhicules. Les investigations ont rapidement révélé l’ampleur internationale du trafic. Une fois volés, les véhicules étaient entreposés temporairement dans des lieux discrets afin de vérifier l’absence de systèmes de repérage. Ils étaient ensuite chargés dans des conteneurs maritimes et expédiés à l’étranger. Les autorités canadiennes ont confirmé qu’un conteneur intercepté au Maroc contenait au moins quatre voitures volées au Canada. Une preuve supplémentaire que ce pays constitue un point stratégique dans les circuits de revente illégale de véhicules, avant leur redistribution vers d’autres marchés africains.
L’exploitation inquiétante de mineurs par les réseaux criminels
L’enquête fait également ressortir une facette particulièrement préoccupante de ce trafic : le recours à des adolescents pour exécuter les tâches les plus risquées. Ces jeunes, parfois âgés de moins de 18 ans, sont utilisés comme chauffeurs pour déplacer les voitures volées, souvent sans permis de conduire. Surnommés les « dirts » dans le jargon criminel, ils ne reçoivent que quelques centaines de dollars par véhicule, tandis que les organisateurs empochent des milliers de dollars à la revente. En 2025 seulement, dix-huit mineurs ont été interpellés dans le cadre de ce dossier.
Depuis plusieurs années, les forces de l’ordre européennes signalent une recrudescence des vols de véhicules destinés au marché africain, avec le Maroc comme plaque tournante. En mai 2024, la police espagnole a intercepté au port d’Algésiras plusieurs véhicules haut de gamme volés en France, en Italie et en Belgique, prêts à être expédiés vers le Maroc. La valeur totale de ces véhicules était estimée à plus de 150 000 euros. Les enquêteurs ont également saisi des motos et des véhicules tout-terrain impliqués dans des affaires criminelles en Europe. Les personnes interpellées détenaient des sommes en liquide destinées à financer le transport maritime.
Des passages d’envergure pour l’exportation illégale de voitures
Ce type de trafic ne date pas d’hier. En décembre 2021 déjà, la Garde civile espagnole avait mis la main sur onze voitures de collection volées en France, cachées dans un garage à Algésiras. Grâce à une coopération étroite entre les polices française et espagnole, les véhicules, dont des modèles mythiques comme la Citroën 2CV et la DS, avaient pu être restitués à leurs propriétaires. Ces affaires successives confirment une tendance lourde : les ports du sud de l’Espagne, comme Algésiras et Tarifa, sont devenus des points de passage d’envergure pour l’exportation illégale de voitures vers l’Afrique du Nord.
Une fois arrivés au Maroc, les véhicules volés subissent souvent des modifications de leurs numéros de châssis, rendant leur identification et leur récupération extrêmement complexes. Cette pratique alimente un marché noir florissant et complique le travail





