Trafic de voitures volées : Melilla, point de passage vers le Maroc


Lecture 4 min.
BMW
BMW

C’est une opération banale de contrôle qui a mis au jour un maillon d’un réseau bien plus vaste. À Melilla, enclave espagnole aux portes du Maroc, la Garde civile a intercepté une luxueuse BMW 740 XDrive, estimée à 193 000 euros, volée en Belgique et sur le point de pénétrer sur le territoire marocain. Ce fait divers, en apparence isolé, révèle un phénomène en expansion : le Maroc devient une plaque tournante du trafic de voitures volées en Europe.

Le 25 septembre 2025, les agents de la Garde civile de Melilla ont procédé à un contrôle de routine sur un ferry en provenance de Malaga. Parmi les véhicules débarquant, une BMW a attiré l’attention des forces de l’ordre. L’attitude nerveuse de la conductrice a éveillé les soupçons. Après une vérification poussée des documents, les agents ont découvert que le véhicule avait été déclaré volé en Belgique. La conductrice a été immédiatement arrêtée, soupçonnée d’être impliquée dans le vol ou la tentative de recel. La voiture, quant à elle, a été saisie et confiée à la justice espagnole. L’enquête reste ouverte.

Un cas parmi des dizaines : le trafic organisé depuis l’Europe

Cet événement n’est pas un cas isolé. Selon la Police aux frontières (PAF) française, des opérations ciblées sont régulièrement menées en coordination avec Argos, un groupement spécialisé dans la lutte contre le vol de véhicules. Les flux vers le Maroc, notamment via les ports de Melilla, Algésiras ou encore Tarifa, sont particulièrement surveillés. Le commissaire divisionnaire Olivier Harguindeguy, responsable de la PAF, explique : « Cinq ou six fois par an, nous menons des opérations coordonnées sur les véhicules volés. Nous sommes proches de l’Espagne, en lien avec l’A9, là où circulent les passeurs ».

Et le phénomène s’intensifie. En juin 2024, 22 véhicules haut de gamme, tous volés en Europe, ont été interceptés à Tarifa alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer vers Tanger. Parmi eux, des modèles prestigieux comme une Porsche 911 Carrera (125 000 €) volée au Danemark et une Audi RS6 estimée à 225 000 € volée en Allemagne. Les forces de l’ordre dressent un constat préoccupant : le Maroc est devenu un débouché stratégique pour les voitures volées en Europe.

Le Maroc, un nouveau hub pour les véhicules volés

D’après les chiffres et témoignages des autorités, ce trafic représenterait jusqu’à 5% du marché automobile marocain, en partie à cause de la rareté de certains modèles et de délais de livraison parfois très longs. Des réseaux bien structurés, souvent maroco-espagnols ou franco-marocains, opèrent depuis l’Europe. Ils achètent ou volent des véhicules de moyen et haut de gamme, les transportent par ferry ou camion, et les font passer à travers des faux documents jusqu’à leur légalisation au Maroc.

Le commissaire Harguindeguy précise : « Il y a des clients qui légalisent les voitures avant l’entrée au Maroc. Cela suppose l’intervention d’intermédiaires en France pour fabriquer de faux certificats d’immatriculation ». Pour lutter contre cette criminalité transfrontalière, les forces de l’ordre collaborent avec Argos, un groupement d’intérêt économique fondé en 1984 par les assureurs français.

Argos : l’œil de l’assurance contre le vol

L’organisation déploie chaque année une vingtaine de techniciens spécialisés, notamment l’été sur les routes frontalières entre l’Espagne et le Maroc. Benoît Leclerc, son directeur, explique : « Nous intervenons aussi bien sur les voitures que sur les motos, les bateaux ou même les moteurs. Nos experts sont capables de repérer les plus subtiles falsifications ». Grâce à leurs interventions, de nombreux véhicules volés ont pu être restitués à leurs propriétaires. En 2023, Argos a contribué à la récupération d’une dizaine de véhicules à destination de Dubaï via des ports européens.

Les ports d’Algésiras, Tarifa, Melilla ou encore Sète sont aujourd’hui des points de passage stratégiques, où les douanes, la police des frontières, la Garde civile et les services d’enquête spécialisés redoublent de vigilance. Fin septembre 2024, sept véhicules volés en Belgique ont été interceptés à Algésiras, tous sur le point d’être expédiés au Maroc. Des véhicules de luxe, souvent accompagnés de faux papiers ou de plaques d’immatriculation falsifiées.

Avatar photo
Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News