
Après un boom spectaculaire entre 2019 et 2024, le Maroc voit sa clientèle britannique se détourner progressivement vers des destinations plus abordables. La montée en gamme rapide du royaume chérifien, si elle séduit une clientèle haut de gamme, fait fuir les vacanciers à budget serré vers la Tunisie et l’Espagne, redevenues compétitives grâce à des tarifs agressifs.
Entre 2019 et 2024, le Maghreb – et le Maroc en tête – a connu une ruée historique de touristes britanniques. Les vols au départ du Royaume-Uni vers l’Afrique du Nord ont plus que doublé, passant de 8 653 rotations en 2019 à près de 19 850 prévues pour 2025. Marrakech, Agadir ou encore Fès se sont retrouvées dans tous les catalogues, encouragées par l’ouverture de dizaines de nouvelles liaisons low-cost.
Mais l’effet « bon plan » s’estompe progressivement. La montée en gamme rapide des infrastructures marocaines a fait bondir les tarifs, particulièrement à Marrakech où les loyers touristiques haut de gamme progressent encore de 3 % à 7 % en 2025. La demande croissante de prestations luxueuses tire inexorablement les prix vers le haut.
Lire aussi: Quand les prix élevés obligent les marocains à partir en vacances à l’étranger
Sur les plateformes de comparaison britanniques, un séjour tout compris 4 étoiles dans la ville ocre dépasse désormais fréquemment la barre symbolique des 1 200 £ par personne en haute saison. Ce seuil psychologique pose problème à de nombreux foyers britanniques confrontés à la crise du coût de la vie outre-Manche.
La Tunisie, nouveau refuge « budget » des Britanniques
Face à cette inflation, les projecteurs se tournent massivement vers la Tunisie. Booking.com observe une envolée spectaculaire de 68 % des recherches de séjours tunisiens entre janvier et mai 2025, contre seulement 39 % pour le Maroc relève le Dailymail. Parallèlement, TUI enregistre une croissance à deux chiffres des réservations sur Djerba, Hammamet ou Sousse.
Les voyagistes misent désormais sur Enfidha, en Tunisie, nouvellement reliée à Londres-Stansted, où une semaine en formule tout inclus s’affiche souvent sous la barre des 700 £ en dehors des vacances scolaires. Cette différence tarifaire substantielle redonne à la Tunisie son statut de destination « petit budget » prisée des Britanniques.
L’Espagne reprend des couleurs grâce à ses forfaits « tout compris »
En parallèle, l’Espagne – longtemps considérée comme devenue « trop chère » – regagne significativement du terrain. Cette reconquête s’explique par la guerre des prix entre compagnies charter et l’abondance d’hôtels de chaîne sur la côte espagnole.
D’après le palmarès 2025 de Which?, la Costa Blanca propose, toutes destinations confondues, le forfait all-inclusive le moins cher pour les Britanniques avec 1 113 £ la semaine, devançant même certaines offres nord-africaines. Cette compétitivité retrouvée constitue une aubaine pour les familles qui privilégient les vols courts de 2h30 et un environnement linguistique familier, quitte à renoncer à l’exotisme maghrébin.
Les facteurs du basculement touristique
Cette redistribution des flux touristiques britanniques s’explique par plusieurs évolutions contrastées. Concernant l’évolution des prix entre 2024 et 2025, le Maroc connaît une forte hausse tirée par le segment luxe, tandis que la Tunisie maintient des tarifs stables ou en baisse grâce au soutien actif des tour-opérateurs. L’Espagne, elle, enregistre une diminution notable sur les formules all-inclusive.
Le temps de vol depuis Londres révèle également des différences significatives : 3h45 pour Marrakech, 3h00 pour Monastir en Tunisie, et seulement 2h30 pour Alicante. Ces écarts, bien que modestes, pèsent dans la décision finale des familles avec enfants.
La perception du rapport qualité-prix s’est inversée : elle décline pour le Maroc, progresse pour la Tunisie et connaît une nette amélioration pour l’Espagne. Enfin, si la disponibilité des vols directs reste élevée pour le Maroc mais concentrée sur l’été, elle augmente rapidement pour la Tunisie avec de nouveaux créneaux depuis Stansted et Manchester, et demeure très élevée toute l’année pour l’Espagne.
En outre, les déboires réguliers de Royal Air Maroc commencent à porter préjudice à l’image du tourisme marocain.
Le Maroc affiche un objectif ambitieux de 26 millions de visiteurs d’ici 2030. Cependant, pour conserver sa clientèle britannique – historiquement la deuxième plus importante après la française – Rabat devra probablement rééquilibrer son offre touristique. Les priorités incluent le soutien au secteur milieu de gamme, la multiplication des clubs familiaux « all-inclusive » sur la façade atlantique, et le renforcement de la concurrence entre transporteurs aériens afin de contenir l’inflation des tarifs de vol.