
Au Togo, la tension politique reste palpable alors que les autorités ont interdit, ce jeudi, une marche pacifique prévue pour le vendredi 25 juillet à Lomé. Organisée par l’ONG Novation, cette manifestation visait à rendre hommage aux victimes des violents affrontements ayant secoué la capitale togolaise du 26 au 28 juin dernier.
Selon le ministre de l’Administration territoriale, colonel Awaté Hodabalo, cette décision est motivée par « la sensibilité du contexte électoral » et par un itinéraire jugé problématique. Le parcours annoncé – de Bè Kondjindji à Lavista Park, en passant par le marché de Bè et le boulevard Houphouët-Boigny – aurait soulevé, selon lui, des inquiétudes sécuritaires.
Une interdiction dénoncée comme une entrave aux libertés
Pour les organisateurs, ce refus est non seulement « injustifié », mais il témoigne d’un climat de plus en plus hostile à l’exercice des libertés fondamentales. « Nous voulions simplement nous recueillir et dénoncer les violences policières. Interdire une telle marche, c’est envoyer un signal d’alarme sur la gestion sélective des droits constitutionnels », a réagi un membre de Novation.
La marche devait notamment rendre hommage aux victimes des manifestations sanglantes de la fin juin. À cette occasion, de nombreux manifestants avaient investi les rues de Lomé pour protester contre la répression d’une contestation antérieure, déclenchée début juin après l’arrestation brutale du rappeur engagé Aamron. Bilan : au moins sept morts selon les organisations de la société civile, dont deux ressortissants béninois retrouvés noyés dans des conditions encore non élucidées.
Un climat de crispation en pleine période électorale
L’interdiction de cette marche intervient dans un contexte politique tendu. À peine quelques jours plus tôt, le parti au pouvoir s’est attribué la victoire aux élections municipales, tenues dans un climat d’indifférence générale marqué par une très faible participation, notamment à Lomé. Plusieurs voix dénoncent une défiance grandissante de la population à l’égard des institutions, sur fond de répression des voix dissidentes.
L’affaire Aamron reste dans tous les esprits. Interpellé le 26 mai pour des raisons encore floues, le rappeur, connu pour ses textes critiques envers le régime, avait été interné d’office dans un hôpital psychiatrique, suscitant l’indignation au sein de l’opinion publique et du monde culturel. Sa libération, survenue le 21 juin, n’a pas suffi à calmer les tensions. Elle a, au contraire, été suivie d’une série de manifestations violemment réprimées.
Une stratégie de contrôle par la force ?
Pour plusieurs observateurs, cette nouvelle interdiction marque une étape supplémentaire dans la stratégie du pouvoir visant à neutraliser toute contestation. « Ce que l’on observe, c’est une systématisation des restrictions imposées aux rassemblements publics, même lorsqu’ils sont pacifiques et symboliques », commente une analyste politique basée à Lomé.
La police togolaise, de son côté, reste mobilisée dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment à Bè, zone réputée frondeuse. Elle y avait déjà procédé fin juin au démantèlement de barricades érigées par des manifestants en colère. Un retour des troubles n’est pas à exclure si les frustrations sociales et politiques continuent de s’accumuler sans espaces d’expression légitime.