
L’ancien ministre d’État, ministre de la Justice, Constant Mutamba, a comparu ce mercredi devant la Cour de cassation dans l’affaire de détournement présumé de 19 millions de dollars alloués à la construction d’une prison à Kisangani. Un procès retentissant, où se croisent enjeux politiques, incertitudes administratives et soupçons de fraude financière.
Au cours de la deuxième audience de son procès, ce mercredi, Constant Mutamba a été entendu par la Cour. Même posture, mêmes propos, l’ancien garde des Sceaux a rejeté en bloc les accusations portées contre lui, dénonçant une cabale politique organisée contre sa personne.
Des fonds « jamais disparus », selon l’accusé
À la barre, Constant Mutamba a rejeté catégoriquement les accusations de détournement de fonds publics portées contre lui. « Les 19 millions de dollars pour lesquels je suis poursuivi sont bel et bien à la banque », a-t-il déclaré. « Peut-on détourner de l’argent qu’on n’a jamais touché ? », a-t-il interrogé avec emphase, tentant ainsi de semer le doute sur la matérialité du préjudice financier reproché.
L’ancien ministre a soutenu que le projet avait suivi une procédure régulière et avait même reçu l’aval de la Première ministre. Il a précisé que le choix du site de Kisangani pour la construction de la future prison était pleinement justifié et conforme aux prérogatives de son ministère.
Des accusations graves du ministère public
Le ministère public, de son côté, a dressé un tableau accablant. Il affirme que le Conseil des ministres avait initialement prévu la construction d’un établissement pénitentiaire à Kinshasa, et que Constant Mutamba, de manière unilatérale, aurait fait délocaliser le projet à Kisangani, en l’absence de toute étude technique ou de terrain identifié pour accueillir l’ouvrage. Le procureur général a aussi évoqué la fuite des responsables de Zion Construction, la société désignée pour exécuter les travaux, ainsi que son incompétence supposée.
De plus, le ministère public remet en cause les pouvoirs du ministre de la Justice dans la gestion de projets d’infrastructure, affirmant que ce domaine relève davantage du ministère des Travaux publics ou de l’Urbanisme.
Une défense qui crie au complot politique
Constant Mutamba ne se contente pas de plaider non coupable : il affirme être la cible d’un acharnement politique. « On voulait la tête d’un ministre de la Justice qui dérangeait les intérêts de la mafia », a-t-il lancé devant les juges, se posant en victime d’une cabale orchestrée par des forces hostiles à ses réformes. « J’assume. Je suis venu payer le prix d’un combat, et je suis prêt à aller jusqu’au bout », a martelé le désormais ex-ministre de la Justice.
Il a également rappelé que 17 millions de dollars auraient déjà disparu du Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) avant même sa prise de fonction, sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit ouverte à ce sujet.
Une procédure contestée mais maintenue
L’audience de ce mercredi a débuté par des exceptions de procédure soulevées par la défense. Les avocats du prévenu ont plaidé la nullité de l’instruction menée par le Parquet général, invoquant notamment une citation irrégulière et des autorisations de poursuite entachées de vices de forme. Des moyens de défense qui ont été balayés par la Cour, laquelle a jugé recevable l’action judiciaire et a poursuivi l’instruction.
Cette affaire met en lumière des tensions croissantes entre pouvoir judiciaire et sphère politique en RDC. Elle soulève également des interrogations sur la gestion des fonds publics dans un pays où les grands projets d’infrastructure sont souvent entachés de soupçons de corruption, de mauvaise gouvernance ou d’opacité administrative.
Pour l’heure, l’affaire a été renvoyée au mercredi 30 juillet 2025, date à laquelle la Cour poursuivra l’examen des faits, des preuves, et des responsabilités.