
L’étau judiciaire se resserre autour de l’ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba. Ce mercredi, la Cour de cassation de la République Démocratique du Congo (RDC) a rejeté en bloc les moyens de forme soulevés par la défense, ouvrant ainsi la voie à la poursuite de l’instruction sur le fond dans l’affaire de détournement présumé de 19 millions de dollars américains, destinés à la construction d’une prison à Kisangani.
Quelques heures après une suspension pour se pencher sur les moyens de forme soulevés par les avocats de Constant Mutamba, la Cour de cassation s’est prononcée sur le dossier en défaveur de la défense.
La défense déboutée, l’instruction validée
Les avocats de Constant Mutamba avaient introduit plusieurs exceptions de procédure, contestant notamment la régularité de la citation à comparaître de leur client. Ces objections ont été jugées non fondées par la Cour, qui a rappelé que la question de la citation avait déjà été tranchée lors de la première audience.
Dans son arrêt, la Cour a estimé que « les moyens de forme soulevés ne sauraient prospérer en l’espèce, faute d’éléments nouveaux ou pertinents justifiant une remise en cause des décisions antérieures ». Elle a donc confirmé la validité de la procédure engagée et autorisé la poursuite de l’instruction au fond.
Enjeu central : la tentative de détourneement de 19 millions de dollars
Au cœur du procès : un financement public de 19 millions de dollars américains destiné à la construction d’un complexe carcéral moderne dans la ville de Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo. La réalisation de ce projet, présenté à l’époque comme un jalon essentiel dans la réforme du système pénitentiaire congolais, a été confiée à une société dont l’existence réelle soulève des doutes.
Le parquet général accuse l’ancien ministre d’avoir participé activement au détournement des sommes débloquées. Des soupçons pèsent notamment sur un réseau de sociétés de sous-traitance et des paiements effectués sans justification technique ni administrative claire. Plusieurs responsables administratifs, dont des membres du cabinet ministériel de l’époque, pourraient également être appelés à témoigner dans les prochains jours.
Un procès sous tension et aux fortes implications politiques
La personnalité de Constant Mutamba confère à ce procès une dimension politique particulière. Juriste de formation, il est extirpé de l’opposition propulsé ministre d’État en charge de la Justice dans le gouvernement Suminwa en juin 2024. Le sémillant ministre de la Justice, armé de la confiance de son patron de Président, voulait réformer de fond en comble une maison justice que Félix Tshisekedi lui-même avait qualifié de malade. Mais, il sera stoppé net dans son élan par cette affaire qui surgit courant mai 2025 et qui finira par entraîner sa démission de l’équipe gouvernementale.
L’implication de Constant Mutamba dans une affaire de détournement à grande échelle a naturellement suscité de vifs débats dans la sphère politique. Certains y voient une manœuvre destinée à neutraliser une figure en ascension, tandis que d’autres saluent un pas vers la fin de l’impunité des anciens ministres. L’appel prend des allures particulières au regard de la qualité du mis en cause : un ministre de la Justice en fonction qui a des déboires avec la justice.
Une justice sous observation
Ce procès très médiatisé est suivi de près tant par la société civile que par les partenaires internationaux de la RDC. Plusieurs ONG de lutte contre la corruption, comme l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) et l’ASADHO, ont salué le fait que la Cour de cassation « tienne bon face aux pressions politiques et judiciaires », tout en appelant à un procès équitable, transparent et exemplaire.
Du côté du gouvernement, aucun commentaire officiel n’a été fait à ce stade. Mais en coulisses, la poursuite de ce dossier pourrait servir de signal à d’autres responsables publics : la justice semble vouloir montrer sa volonté de traiter les affaires de détournement avec rigueur, même lorsqu’elles impliquent des figures politiques de premier plan.
Prochaines étapes
L’instruction proprement dite de l’affaire débutera dans les jours à venir. La Cour devra examiner en détail les preuves apportées par le ministère public, notamment les rapports d’audit, les relevés bancaires et les correspondances administratives. L’audition de l’accusé et des témoins constituera également une étape déterminante.
Pour l’heure, Constant Mutamba clame son innocence et dénonce une cabale politique. Son équipe de défense affirme disposer de preuves prouvant l’absence d’implication directe de leur client dans la gestion effective des fonds alloués. Reste que l’issue de ce procès pourrait marquer un précédent important dans la lutte contre la corruption en RDC. La société congolaise, lasse des scandales à répétition, attend des actes forts, au-delà des discours de principe.