
Au Cameroun, le football est à nouveau secoué par une crise institutionnelle opposant la Fécafoot, dirigée par Samuel Eto’o, et le sélectionneur Marc Brys. Ce dernier aurait présenté sa démission avant de la nier, évoquant un piratage de sa messagerie. Cet épisode s’inscrit dans une série de tensions récurrentes entre fédérations, entraîneurs et autorités publiques, au Cameroun comme ailleurs en Afrique. Au-delà du cas Brys, c’est toute la gouvernance du football africain qui semble en quête d’équilibre et de légitimité.
Le football camerounais traverse une nouvelle zone de turbulences. Ce mercredi 23 juillet 2025, un véritable imbroglio a secoué Yaoundé : Marc Brys, le sélectionneur des Lions indomptables, aurait présenté sa démission avant de la démentir quelques heures plus tard. Cet épisode s’ajoute à une longue liste de querelles institutionnelles, où la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), dirigée par Samuel Eto’o, et le ministère des Sports se livrent une guerre larvée autour du contrôle de l’équipe nationale. Mais au-delà du cas camerounais, de nombreux pays africains sont régulièrement confrontés à des conflits similaires entre fédérations, autorités étatiques et sélectionneurs.
Une sélection en otage des luttes de pouvoir
Dans ce nouveau rebondissement, la Fécafoot a d’abord publié un communiqué officiel annonçant la démission de Marc Brys, appuyé par une lettre datée du 21 juillet et évoquant deux mois de salaire impayés. Mais deux heures plus tard, dans une volte-face inattendue, l’entraîneur belge affirme que sa messagerie aurait été piratée et que la lettre ne venait pas de lui. Ce revirement alimente encore davantage les soupçons de manipulation. Le ministre des Sports, lui, crie à la « manipulation grossière » et affirme que les salaires ont été payés depuis le 18 juillet.
Ce bras de fer est le dernier d’une série de dysfonctionnements qui gangrènent la gestion du football camerounais. Depuis l’arrivée de Marc Brys, nommé directement par le gouvernement, en avril 2024, la cohabitation avec la Fécafoot est tendue. À plusieurs reprises, des désaccords sur la composition du staff technique, les convocations ou les primes ont donné lieu à des éclats publics. Loin de favoriser la sérénité nécessaire à la performance sportive, cette situation installe un climat d’instabilité chronique autour des Lions indomptables.
Le cas du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et du Ghana
Le Cameroun n’est pas un cas isolé. L’ingérence politique et les luttes de pouvoir sont des maux récurrents du football africain. Au Nigeria, par exemple, la sélection nationale a été à plusieurs reprises affectée par des conflits entre la Fédération nigériane de football (NFF) et le ministère des Sports. En 2020, l’entraîneur Gernot Rohr avait dénoncé publiquement des pressions pour inclure certains joueurs dans son effectif, ainsi que des retards persistants dans le paiement de son salaire.
En Côte d’Ivoire, en amont de la CAN 2023 (qu’elle a finalement remportée), la désignation du sélectionneur avait donné lieu à une passe d’armes entre la Fédération ivoirienne et certains cercles gouvernementaux, chacun voulant imposer son candidat. Jean-Louis Gasset, à l’époque entraîneur, avait dû jongler entre les exigences techniques et les considérations politiques, jusqu’à sa démission quelques mois avant le tournoi.
Une gouvernance à repenser
Le Ghana, autre grande nation du football africain, a également connu plusieurs épisodes similaires. L’ancien sélectionneur Kwesi Appiah s’est longtemps plaint de l’intervention de responsables politiques dans ses choix, ainsi que du non-respect de ses conditions contractuelles. Ces interférences répétées ont souvent nui à la stabilité de l’équipe nationale, pourtant dotée d’un fort potentiel. Ce que révèlent ces crises, c’est la faiblesse structurelle des institutions sportives sur le continent.
Dans plusieurs pays, les Fédérations manquent d’autonomie financière et dépendent largement des subventions de l’État, ce qui crée une relation de subordination politique. D’un autre côté, certaines fédérations, une fois dirigées par d’anciennes gloires du ballon rond, se considèrent comme des entités souveraines, parfois en opposition frontale avec les autorités publiques. Le cas de Samuel Eto’o au Cameroun illustre cette tension : en s’opposant frontalement au ministère, il cristallise un conflit de légitimité.