Procès Constant Mutamba : la Cour de cassation face aux nombreuses exceptions soulevées par la défense


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Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice
Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice

Le procès de Constant Mutamba, ancien ministre de la Justice congolais, poursuivi pour détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction de la prison centrale de Kisangani, a repris ce mercredi avec une remise en cause de la procédure par les avocats de la défense.

Lors de cette seconde audience devant la Cour de cassation, la défense a soulevé plusieurs exceptions visant à obtenir la nullité de la procédure et l’irrecevabilité de l’action du ministère public.

Une procédure contestée de bout en bout

Entouré de ses avocats, Constant Mutamba a vu sa défense contester la régularité du processus d’instruction et des poursuites engagées contre lui. Plusieurs moyens de droit ont été mis en avant :

  • Irrégularité de la citation à prévenu : selon la défense, la citation n’a pas été faite conformément à la loi. Elle aurait dû émaner du ministère public et non du greffier en chef, ce qui, selon elle, entache la saisine de la Cour. Une irrégularité déjà soulevée lors de la première audience de ce procès très attendu en RDC.
  • Violation du secret du vote à l’Assemblée nationale : les avocats de Constant Mutamba s’appuient sur l’article 97 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et l’article 121 de la Constitution, pour affirmer que le vote autorisant les poursuites aurait dû se faire à bulletin secret. Or, il s’est tenu à main levée.
  • Instruction incomplète : la défense soutient que l’ancien ministre n’a été convoqué qu’une seule fois par le parquet, avant d’être empêché de répondre à d’autres convocations pour raisons de santé. Entre-temps, il avait récusé le procureur général, sans que sa demande ne soit examinée.
  • Atteinte au droit à la défense : les avocats reprochent également à l’Assemblée nationale d’avoir levé l’immunité parlementaire de leur client sans lui avoir permis de présenter ses moyens de défense, ce qui violerait son droit à un procès équitable.

Le ministère public rejette les griefs et demande la poursuite du procès

En face, le ministère public a qualifié ces arguments de « dilatoires ». Le procureur général a réaffirmé que toutes les formalités légales avaient été respectées, et que l’examen de la validité du vote parlementaire ne relevait pas de la compétence de la Cour de cassation, mais d’une autre juridiction compétente. Il a également rappelé que la question de la citation avait été tranchée lors de la première audience et qu’aucun préjudice n’était démontré, dans la mesure où le prévenu s’est présenté à l’audience. « Nous sommes à la deuxième audience remise contradictoirement. Avançons », a-t-il déclaré, réclamant la poursuite du procès au fond.

Constant Mutamba, figure montante de la scène politique congolaise, clame son innocence depuis l’ouverture de l’instruction. Il qualifie les accusations portées contre lui de « règlement de comptes politiques » et accuse certains cercles du pouvoir d’instrumentaliser la justice pour l’écarter du jeu électoral. Le projet incriminé concerne un marché de gré à gré passé avec la société Zion Construction, jugée fictive par le ministère public. Selon l’accusation, 19 millions de dollars, alloués par le Trésor public pour la construction d’une prison à Kisangani, se seraient évaporés sans justification claire.

Suspension de l’audience et délibéré attendu

Face à la complexité des arguments soulevés par la défense, la Cour de cassation a suspendu brièvement l’audience, avant de mettre l’affaire en délibéré. Un arrêt avant dire droit est attendu dans les prochaines heures ou les prochains jours, pour statuer sur la recevabilité des exceptions soulevées. Si la Cour valide ces moyens, cela pourrait signifier l’annulation pure et simple de la procédure. Dans le cas contraire, le procès pourra se poursuivre sur le fond.

L’issue de cette bataille procédurale pourrait avoir des répercussions importantes non seulement pour l’avenir politique de Constant Mutamba, mais aussi pour la crédibilité du système judiciaire congolais dans la gestion des affaires politico-financières.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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