
Le ministre rd-congolais de la Justice, Constant Mutamba, est accusé de détournement de fonds dans un projet de prison à 39 millions de dollars. Le parquet demande la levée de son immunité. Le marché, conclu sans contrôle, suscite des soupçons politiques. Parallèlement, Mutamba mène une lutte ferme contre les gangs urbains, avec des condamnations à mort prononcées dans le cadre de l’opération « Zéro Kuluna – Ndobo ».
En République Démocratique du Congo (RDC), le ministre de la Justice, Constant Mutamba, est au cœur d’un scandale. Le procureur général près la Cour de cassation a demandé à l’Assemblée nationale de lever son immunité parlementaire, l’accusant de détournement de fonds publics. En cause : un projet de construction d’une prison à Kisangani, d’une valeur de 39 millions de dollars, dont 19 millions ont déjà été versés à une entreprise dans des conditions suspectes.
Ce marché aurait été conclu sans l’approbation de la Première ministre ni des organes de contrôle compétents. De plus, les fonds ne provenaient pas du Trésor public, mais d’un établissement gérant les réparations de guerre versées par l’Ouganda, sous la tutelle directe du ministre de la Justice. La Cellule nationale de renseignements financiers avait bloqué le paiement, invoquant des soupçons de malversations.
Soupçons politiques et tensions au sommet de la justice
L’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) appelle à la prudence et souligne la nécessité de distinguer entre une véritable affaire de détournement et une possible cabale politique. En coulisses, des tensions entre le ministre et le parquet couvaient depuis longtemps. En novembre 2024, Constant Mutamba avait demandé une enquête sur l’achat d’un immeuble par le procureur général, déclenchant de vives réactions.
Certains y voient une vengeance du parquet. Un haut responsable judiciaire a cependant minimisé l’affaire, parlant d’un dossier « sensible » plutôt que d’une vendetta. Néanmoins, l’ambiance reste lourde, révélant les profondes divisions au sein des institutions judiciaires du pays.
Une justice ferme face au banditisme urbain
Sur un autre front, Constant Mutamba mène une lutte déterminée contre les gangs urbains, notamment les « Kulunas », qui sèment la terreur à Kinshasa. L’opération « Zéro Kuluna – Ndobo » a déjà conduit à des dizaines de condamnations à mort, dans le cadre d’une politique de répression drastique.
Le ministre affirme que ces peines capitales seront appliquées, mais seulement après l’épuisement des recours judiciaires. Il voit dans ces mesures un moyen de restaurer la sécurité dans la capitale, particulièrement durant les fêtes de fin d’année, où les habitants ont, selon lui, enfin pu respirer sans craindre les attaques.
Controverses autour de la peine de mort et procès expéditifs
Cette approche sécuritaire, bien qu’efficace selon les autorités, suscite de vives critiques de la part des organisations des droits de l’homme. Celles-ci dénoncent les procès rapides, les conditions d’incarcération et la menace d’exécutions dans un système judiciaire encore fragile et vulnérable aux erreurs.
Mutamba, de son côté, assume pleinement cette politique, la considérant comme un mal nécessaire pour éradiquer la criminalité qui ronge la société congolaise. Il insiste sur le respect des procédures, même pour les condamnés transférés dans des prisons de haute sécurité comme celles d’Angenga et Luzumu.
Tentative d’empoisonnement : un ministre en danger
Début septembre 2024, le ministre Mutamba a été testé positif à un poison. Plusieurs membres de son cabinet ont également été touchés. Cette intoxication a été précédée par une mystérieuse intrusion dans son bureau. Les caméras de surveillance avaient été désactivées, et une poudre blanche suspecte, ainsi qu’un liquide étrange dans le réfrigérateur, ont été retrouvés par la police scientifique.
Cette tentative d’empoisonnement s’inscrit dans un climat de forte instabilité, renforcé par le rôle offensif du ministre contre les réseaux mafieux du système judiciaire. Ses proches évoquent une « opération de représailles » contre ses actions de réforme.
Intrusion inquiétante dans son bureau : une affaire aux relents politiques
La nuit du 1er au 2 septembre 2024, le bureau du ministre a été cambriolé. Les intrus ont forcé la porte, réinitialisé le système de surveillance et effacé toutes les traces numériques. Des documents sensibles ont été volés. Le ministre était alors en déplacement. Le communiqué officiel parle d’un acte de sabotage perpétré par des « forces mafieuses » opposées à sa mission de réforme.
Cet incident met en lumière la vulnérabilité des institutions congolaises. Comment un tel acte a-t-il pu être commis dans un ministère aussi sensible sans être détecté ? Pour beaucoup, il s’agit d’un avertissement adressé à Mutamba par ceux qu’il dérange.
Un ministre isolé mais déterminé
Depuis sa prise de fonction, Constant Mutamba s’est donné pour mission de réformer le système judiciaire, de désengorger les prisons et de sanctionner les dérives des magistrats et greffiers. Il a récemment ordonné des poursuites contre plusieurs agents judiciaires impliqués dans des détournements révélés par un audit de la Cour des comptes.
Ce combat lui vaut de puissantes inimitiés. Le cambriolage de son bureau, l’empoisonnement présumé, les tensions avec le parquet, et maintenant la demande de levée de son immunité parlementaire composent un tableau explosif. Le ministre semble conscient des risques, mais ne montre aucun signe de recul.