
Le Président de la République démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a reçu ce mercredi à la Cité de l’Union africaine l’ancien Premier ministre, Adolphe Muzito, président du parti d’opposition, Nouvel Élan. Cette rencontre intervient quelques jours après la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, le 27 juin dernier.
Moins d’un mois après sa rencontre avec Martin Fayulu à la Présidence, Félix Tshisekedi poursuit son ouverture vers l’opposition, dans un contexte où l’unité nationale est présentée comme un impératif historique face aux menaces sécuritaires et aux enjeux géopolitiques dans la région des Grands Lacs.
Muzito salue la diplomatie de Tshisekedi : « Les résultats sont là »
Au terme de l’entretien, Adolphe Muzito a tenu à saluer les efforts diplomatiques du Président Félix Tshisekedi, longtemps critiqué pour ses nombreux déplacements à l’étranger. « De manière générale, on le critiquait en disant qu’il voyageait beaucoup à l’étranger. Aujourd’hui, les résultats sont là : il a réussi à faire reconnaître à la communauté internationale que le Rwanda est l’agresseur de la RDC à travers ses rébellions », a-t-il déclaré à la presse présidentielle.
L’ancien Premier ministre a particulièrement souligné l’importance de l’accord signé sous l’égide des États-Unis, qui contraint Kigali et ses supplétifs du M23/AFC à un retrait effectif du territoire congolais, marquant ainsi une avancée significative dans le conflit qui ravage l’est du pays depuis des décennies.
Un soutien clair au futur partenariat économique avec les États-Unis
Adolphe Muzito a également salué le leadership de Félix Tshisekedi dans la préparation d’un nouveau partenariat économique stratégique entre la RDC et les États-Unis. Ce contrat, encore en négociation, pourrait redessiner l’exploitation des ressources minières congolaises en rompant avec les pratiques prédatrices du passé. « Ce qui hier était pillé par le Rwanda, comme simple sous-traitant, le Congo va désormais l’exploiter directement avec tous les pays du monde, et principalement les États-Unis », a souligné Muzito, insistant toutefois sur la nécessité d’un débat national et de la transparence sur les termes de cet accord. « Il est normal que cet accord soit critiqué. Il revient au gouvernement de l’expliquer clairement aux citoyens », a-t-il insisté.
Tout récemment, le professeur Dady Saleh, spécialisé dans les questions politiques, économiques et sécuritaires, s’exprimant sur l’accord de Kinshasa, a dénoncé une dynamique de « néocolonialisme économique », estimant que les États-Unis obtiennent un accès stratégique aux ressources congolaises, tandis que le Rwanda maintient son influence sur les chaînes d’approvisionnement minières.
Une main tendue pour un gouvernement d’union nationale
Au-delà des éloges, Adolphe Muzito a profité de cette rencontre pour se positionner en faveur d’une participation active de son parti à un éventuel gouvernement d’union nationale. « J’ai donné ma position pour dire que j’étais disposé à participer à la formation du gouvernement. Pour moi, il est important que mes idées soient prises en compte dans la mesure du possible », a-t-il déclaré. Cette posture de l’ancien Premier ministre de Joseph Kabila n’est pas nouvelle. En fait, quelques jours après l’investiture de Félix Tshisekedi pour son second mandat en janvier 2024, Adolphe Muzito avait déjà exprimé sa disponibilité à travailler avec la majorité. « S’il y a des perspectives de travailler ensemble avec Monsieur Tshisekedi, principalement avec sa majorité, je ne dirai pas non ! », avait-il expliqué. Avant d’ajouter : « Je poserai des conditions qui sont des préalables de manière constructive. J’ai un programme économique ».
Par ailleurs, Adolphe Muzito a proposé la tenue urgente d’un dialogue national, estimant que les circonstances actuelles exigent une redéfinition des priorités nationales : « Le Président doit engager des réformes importantes qui permettent de faire avancer le pays. Un dialogue pourrait permettre d’en définir les contours, dans un esprit de consensus ».
Tshisekedi tend la main à l’opposition
Cette séquence politique s’inscrit dans une dynamique de réconciliation nationale amorcée par le Président Tshisekedi, comme il l’a exprimé le 30 juin dernier, lors de son discours à l’occasion du 65e anniversaire de l’indépendance de la RDC. « Cette rencontre [avec Martin Fayulu] marque une étape importante vers une politique de réconciliation, d’écoute mutuelle et de respect réciproque », avait-il affirmé à Kinshasa, appelant à placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus des clivages partisans. « Le peuple congolais exige une classe dirigeante capable de s’unir aux moments les plus critiques, d’agir avec maturité et de servir ensemble la grandeur de la République », a-t-il martelé dans son discours.
Avec l’accord de paix comme catalyseur, et les signaux d’ouverture adressés aux principales figures de l’opposition, la scène politique congolaise semble évoluer vers une nouvelle configuration, dans laquelle l’unité nationale pourrait servir de fondement à un renouveau institutionnel et à une gouvernance plus inclusive.
Toutefois, la route vers une coalition politique durable reste semée d’embûches. Les conditions concrètes de participation de l’opposition, la mise en œuvre effective de l’accord de paix, et les réformes structurelles promises seront des tests décisifs pour la crédibilité de cette nouvelle orientation.