
Ali Bongo Ondimba, ex-président du Gabon, a été entendu le 1er juillet à Paris par deux juges d’instruction du pôle spécialisé dans les crimes contre l’humanité. Sa comparution s’inscrit dans le cadre d’une plainte pour « séquestration arbitraire, détention illégale, actes de torture et de barbarie » déposée en mai 2024 contre les autorités gabonaises.
Reçu en tant que partie civile, Ali Bongo affirme avoir été privé de liberté durant près de 21 mois après son renversement par les militaires du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), le 30 août 2023.
Un récit de captivité et d’angoisse familiale
Lors de l’audition, Ali Bongo a décrit avec émotion les conditions de son isolement dans sa résidence de La Sablière, à Libreville, insistant sur le fait qu’il n’était, en pratique, ni libre de ses mouvements ni maître de ses décisions. Ses avocats soutiennent que cette situation équivalait à une assignation à résidence non déclarée. L’ancien chef d’État a également exprimé son inquiétude pour sa femme Sylvia et leur fils Noureddin, retenus pendant plusieurs mois avant leur exfiltration vers l’Angola puis Londres, en mai 2025. Tous deux ont également témoigné devant les magistrates françaises. Ils ont évoqué des violences physiques et psychologiques.
Des accusations graves de torture physique et morale
L’équipe d’avocats de la famille Bongo, notamment Me Clara Gérard-Rodriguez et Me François Zimeray, dénonce des actes d’une extrême brutalité : électrocution, simulation de noyade, étranglement, privation de nourriture. Selon leurs dires, ces méthodes avaient pour but de forcer les victimes à signer des documents permettant la confiscation de leurs biens et avoirs. « Dix-huit mois enfermés dans un sous-sol », a affirmé Me Zimeray. Il a ajouté que plusieurs noms de responsables présumés ont été remis aux juges.
Libreville nie en bloc et promet un procès
Du côté gabonais, les nouvelles autorités, dirigées par le général Brice Oligui Nguema devenu président en avril, réfutent toute forme de torture. Le pouvoir assure que Sylvia et Noureddin Bongo seront jugés au Gabon pour des faits de détournement de fonds publics et bénéficieront d’un procès « équitable ». Pour l’instant, mère et fils sont sous régime de liberté provisoire.
Cette plainte en France s’ajoute à une autre procédure judiciaire : celle des « biens mal acquis », ouverte en 2010 et visant onze membres de la famille Bongo. L’instruction a été close en mars dernier et les réquisitions du parquet national financier sont attendues. Cette convergence judiciaire franco-gabonaise redonne une ampleur internationale à l’affaire Bongo, dont les conséquences politiques et diplomatiques restent encore incertaines.
Vers un bras de fer judiciaire international ?
Alors que les juges françaises envisagent des auditions de responsables gabonais, voire l’émission de mandats d’arrêt en cas de non-coopération, l’affaire pourrait évoluer vers un contentieux diplomatique plus large. Dans un contexte où la Françafrique vacille, ce procès en gestation expose les tensions entre justice internationale et souveraineté nationale. Et redonne une voix à un ancien président déchu qui, désormais, réclame justice depuis l’exil.