
La proposition du leader de l’opposition, Martin Fayulu, de créer un « camp de la Patrie » continue de susciter un débat houleux sur la scène politique congolaise. Face aux critiques virulentes émanant de plusieurs figures de l’opposition, l’ancien candidat à la Présidentielle a tenu à clarifier ses intentions dans un communiqué publié sur son compte X.
Dans ce texte, Fayulu insiste sur le fait que le « camp de la Patrie » n’est ni un parti ni une plateforme politique, mais un état d’esprit patriotique, un appel à l’unité nationale autour de la défense de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo (RDC), particulièrement menacée par la persistance de la crise sécuritaire dans l’est du pays.
Citant l’article 63 de la Constitution, Martin Fayulu rappelle que « tout Congolais a le droit et le devoir sacré de défendre le pays et son intégrité territoriale en cas de menace ou d’agression extérieure ». Il insiste sur la dimension collective de sa démarche, qu’il dit fondée sur le patriotisme, la vérité et la justice, bien au-delà des divisions politiques, ethniques ou régionales. « Le Camp de la Patrie est l’expression de la voix des Congolais qui refusent la soumission, la complicité, le silence, face aux menaces réelles de balkanisation du pays », écrit-il.
Une initiative qui divise au sein même de l’opposition
Cependant, la proposition est loin de faire consensus. Marie-Ange Mushobekwa, ancienne ministre et membre du PPRD, a dénoncé une « initiative manipulatrice » visant à culpabiliser les opposants au pouvoir de Kinshasa. Pour elle, « le camp dit ‘de la Patrie’ n’a pas le monopole de l’amour du pays », fustigeant un climat politique marqué selon elle par les détournements impunis, l’intolérance et l’instrumentalisation des institutions.
Même son de cloche du côté de Jean-Marc Kabund, ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) devenu opposant, qui qualifie l’initiative d’« erreur stratégique majeure », risquant de compromettre toute tentative de dialogue et de réconciliation. Il appelle plutôt à un dialogue sincère, inclusif et urgent.
De son côté, Francine Muyumba, ancienne sénatrice et membre du Front commun pour le Congo (FCC), rejette également l’idée d’un camp à visée patriotique qui serait, selon elle, un instrument d’exclusion et de diversion. Elle pointe du doigt les véritables menaces pesant sur la RDC : corruption, division ethnique, pauvreté et dérives autoritaires.
Un dialogue au sommet et un plaidoyer religieux
Malgré cette tempête politique, Martin Fayulu défend la légitimité de sa rencontre récente avec le Président Félix Tshisekedi, qu’il dit avoir sollicitée non pas pour un arrangement politique mais pour transmettre un message clair sur l’urgence de la situation sécuritaire. À cette occasion, il a également plaidé en faveur de la réception par le chef de l’État des évêques et pasteurs de la CENCO-ECC, porteurs d’un pacte social pour la paix, fruit d’une tournée nationale et internationale.
En réalité, derrière ce débat sémantique se cache un problème plus profond : la défiance généralisée entre les forces politiques congolaises, dans une atmosphère marquée par une instabilité chronique à l’est, une économie fragile et un processus démocratique encore incertain. Le « camp de la Patrie » apparaît dès lors comme le symptôme d’un appel à l’unité dans un paysage profondément fragmenté, mais aussi comme un terrain glissant, où le patriotisme peut vite devenir un marqueur idéologique potentiellement clivant. D’où la grande interrogation : le « camp de la Patrie » sera-t-il un levier pour la cohésion nationale en RDC ou un nouveau foyer de division politique ?
Le Camp de la Patrie est avant tout un état d’esprit. Il incarne la conviction que la RDC est une, unie et indivisible.
« Tout Congolais a le droit et le devoir sacré de défendre le pays et son intégrité territoriale en cas de menace ou d’agression extérieure. » Art. 63 de la… pic.twitter.com/555MOqOn4A
— Martin Fayulu (@MartinFayulu) June 9, 2025