
En pleine relance du processus de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, le Qatar renforce son rôle de médiateur stratégique. Le ministre qatari d’État aux Affaires intérieures, Cheikh Abdulaziz ben Faisal ben Mohammed Al Thani, a reçu séparément les ministres de l’Intérieur des deux pays, alors que les pourparlers avec la rébellion de l’AFC/M23 se poursuivent dans la capitale qatarie.
Jacquemain Shabani Lukoo, vice-Premier ministre congolais en charge de l’Intérieur, et son homologue rwandais, Dr Vincent Biruta, ont eu des entretiens bilatéraux distincts avec les autorités qataries. Selon un communiqué officiel, ces discussions ont porté sur le renforcement de la coopération sécuritaire, la stabilisation régionale et la mise en place de mécanismes de coordination pour prévenir l’escalade des tensions.
Doha, théâtre d’une médiation complexe
Ces entretiens surviennent dans un contexte diplomatique tendu mais porteur d’espoir. Depuis début juillet, la capitale qatarie accueille une nouvelle série de négociations entre Kinshasa et les représentants de l’Alliance des Forces Congolaises/M23 (AFC/M23), rébellion soutenue par Kigali selon les accusations congolaises. Ces discussions, facilitées par le Qatar et appuyées par l’Union africaine, visent à aboutir à une déclaration de principes pouvant ouvrir la voie à un règlement global du conflit.
La délégation congolaise, conduite par le Haut-Représentant du Président Tshisekedi, Sumbu Sita Mambu, négocie actuellement avec l’équipe de l’AFC/M23 dirigée par Benjamin Bonimpa. Un accord final, en gestation, serait censé consolider la trêve entrée en vigueur à la suite de l’accord de cessez-le-feu signé à Washington le 27 juin dernier.
Le Rwanda ratifie l’accord de Washington
En parallèle, le Président Paul Kagame a convoqué, ce 16 juillet, un conseil des ministres à Urugwiro Village, au terme duquel le Rwanda a ratifié l’accord de paix de Washington. Le texte, conclu sous la médiation des États-Unis, vise à encadrer militairement et diplomatiquement les engagements mutuels entre Kigali et Kinshasa.
Le gouvernement rwandais a salué dans un communiqué « une avancée significative » vers la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs, tout en soulignant que la sécurité nationale et la lutte contre les groupes armés étrangers, notamment les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), restent prioritaires. Kigali a également exprimé son soutien aux pourparlers de Doha et a réaffirmé sa volonté de respecter les engagements régionaux.
Une paix fragile mais encore possible
Malgré les efforts diplomatiques, la situation reste tendue dans l’est de la RDC. Des affrontements sporadiques sont signalés entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les éléments de l’AFC/M23 dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Kinshasa dénonce la poursuite d’« activités militaires illégales de l’armée rwandaise et de ses supplétifs rebelles » sur son sol. De son côté, le M23 accuse les troupes congolaises de « violations graves » du cessez-le-feu et de « crimes contre l’humanité ».
La médiation qatarie, bien qu’initiée dans un contexte de méfiance mutuelle, apparaît comme un maillon essentiel d’un processus de paix à plusieurs niveaux. Doha joue ici le rôle de facilitateur neutre, aux côtés de Washington et de l’Union africaine, dans un conflit où s’entremêlent rivalités géopolitiques, enjeux miniers et tensions communautaires.
La visite distincte des ministres de l’Intérieur congolais et rwandais marque une étape diplomatique importante : elle atteste d’une volonté de maintenir le dialogue bilatéral, tout en séparant les canaux de négociation sécuritaire des négociations politiques avec les groupes armés. En attendant le sommet de haut niveau avec les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame prévu par la Maison Blanche dans les prochains jours, les regards restent tournés vers Doha, où se jouent les dernières cartes d’un accord global.