RDC-Rwanda : quand les États-Unis réussissent là où la France a échoué


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Donald Trump, Président des États-Unis
Donald Trump, Président des États-Unis

Le 27 juin 2025 restera peut-être dans l’histoire africaine comme le début d’un tournant décisif pour les relations entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Ce jour-là, à Washington, un accord historique a été signé entre les deux voisins, longtemps ennemis, sous l’égide du secrétaire d’État américain Marco Rubio, et avec l’appui direct de l’ancien Président Donald Trump. Un événement salué avec espoir par le Président congolais Félix Tshisekedi, qui y voit « une étape vers une nouvelle ère de stabilité » dans la région des Grands Lacs. Pourtant, au-delà de la portée géopolitique de cet accord, il révèle une vérité dérangeante pour Paris : la France, longtemps influente dans cette région francophone, n’a pas su jouer le rôle de médiateur, que Washington a endossé avec efficacité, alors même qu’elle se veut toujours un acteur central de la diplomatie africaine, notamment dans l’espace francophone.

Un désaveu pour la diplomatie française

Historiquement, la Belgique fut la puissance coloniale de la RDC et du Rwanda, mais la France a joué, après les indépendances, un rôle très actif dans les affaires politiques et diplomatiques de ces pays, notamment au Rwanda avant le génocide de 1994. Paris a souvent revendiqué un rôle de « facilitateur » dans les tensions régionales, notamment à travers l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et sa diplomatie dite de proximité. Pourtant, ces dernières années, sa capacité à intervenir utilement dans les crises africaines s’est effritée. Face à la gravité du conflit latent entre Kigali et Kinshasa, marqué par des accusations de soutien mutuel à des groupes armés, la France a observé, hésité, parfois conseillé, mais sans jamais parvenir à rapprocher réellement les deux capitales.

L’échec est d’autant plus cuisant que ce sont les États-Unis, une puissance extérieure à l’espace francophone et souvent perçue comme éloignée des sensibilités africaines, qui ont su orchestrer cette avancée diplomatique d’envergure. Certes, le Qatar a également joué un rôle précieux par ses bons offices à Doha, mais le leadership américain, porté par Donald Trump et l’appareil diplomatique mis en place après son mandat, a été déterminant. Le contraste est saisissant : une puissance européenne influente mais marginalisée, face à une superpuissance devenue garante de la paix dans une région francophone.

Une médiation américaine au pragmatisme assumé

L’implication des États-Unis dans ce processus de paix n’est pas un hasard. Elle s’inscrit dans une volonté stratégique de contenir l’instabilité dans les Grands Lacs, de lutter contre les réseaux terroristes, mais aussi de sécuriser les zones riches en minerais stratégiques pour les industries de haute technologie. Washington a donc mis en œuvre une diplomatie directe, pragmatique, et surtout exigeante vis-à-vis des deux parties.

L’accord signé à Washington exige du Rwanda le retrait de ses troupes présentes à l’Est de la RDC et la fin de tout soutien aux rebelles du M23/AFC. Tandis que Kinshasa s’engage à désarmer les rebelles hutus des FDLR, souvent instrumentalisés dans le jeu régional. C’est un compromis clair, équilibré, et contraignant, qui vise à assécher les causes profondes de l’instabilité. Il montre aussi que la paix ne se construit pas uniquement par les grandes déclarations de principe, mais par des engagements vérifiables sur le terrain.

La RDC en quête de souveraineté et de justice

Pour Félix Tshisekedi, cet accord est plus qu’un succès diplomatique : c’est une étape importante dans sa stratégie de réaffirmation de l’autorité de l’État congolais. Il l’a répété : « La RDC ne peut plus être le théâtre d’interventions étrangères ni un sanctuaire pour les groupes armés. La paix ne sera durable que si l’État congolais reprend le contrôle total de son territoire. »

Mais cette paix ne peut être uniquement militaire ou diplomatique. Tshisekedi reste ferme sur le volet judiciaire : il exige que les auteurs des violences, des massacres et des crimes contre les civils répondent de leurs actes. Un message clair adressé aussi bien aux groupes armés qu’à leurs soutiens étatiques, dans un appel à la justice internationale. C’est là aussi un domaine où la France, pourtant patrie autoproclamée des droits de l’Homme, aurait pu faire entendre sa voix avec plus de vigueur.

Quel avenir pour la diplomatie française en Afrique ?

Le cas de la RDC et du Rwanda est la preuve palpable d’une réalité de plus en plus gênante pour Paris : l’Afrique francophone s’éloigne de son ancien tuteur. Que ce soit au Sahel, en Afrique centrale ou dans les Grands Lacs, la France ne parvient plus à incarner une puissance d’équilibre ni à inspirer confiance. Elle paie le prix d’une posture souvent ambiguë, mêlant paternalisme, inertie bureaucratique et intérêts économiques.

L’accord du 27 juin 2025 pourrait ainsi être lu comme un signal : les acteurs africains ne veulent plus de discours, ils veulent des solutions. Et ils sont désormais prêts à se tourner vers d’autres partenaires, même non-francophones, pour les obtenir. Il serait injuste de résumer cette avancée diplomatique à une victoire américaine contre la France. Il s’agit plutôt d’une invitation à la remise en question.

Vers une nouvelle ère de diplomatie en Afrique

La diplomatie française est donc appelée à se réinventer si elle veut rester pertinente dans un continent en pleine mutation. Elle doit écouter, s’engager concrètement, cesser de se poser en donneuse de leçons. Et surtout accepter de ne plus être au centre du jeu. L’Afrique bouge. La paix dans les Grands Lacs, si elle se confirme, en sera un symbole.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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