
Les propos racistes tenus par Noëlle Lenoir sur CNews le 8 août dernier ont déclenché un tollé légitime. L’ancienne ministre a assimilé « des millions d’Algériens » à des terroristes potentiels, s’attaquant ainsi à la communauté algérienne de France qui contribue au quotidien au fonctionnement du pays. Cette sortie xénophobe, diffusée sans contradiction sur la chaîne de Vincent Bolloré, révèle la dérive idéologique préoccupante d’une partie de la classe dirigeante française et interroge sur la responsabilité des médias dans la propagation de discours haineux contre l’Algérie et les Algériens.
Lors de son passage dans l’émission « L’Heure des Pros 2 » diffusée sur CNews le vendredi 8 août 2025, Noëlle Lenoir, ancienne ministre française des Affaires européennes, a franchi une ligne rouge. Elle a déclaré que « des millions d’Algériens présentent des risques majeurs » et qu’ils « peuvent sortir un couteau dans le métro, dans une gare, dans la rue, n’importe où, ou prendre une voiture pour rentrer dans une foule« .
Ces déclarations, écoutées sans aucune contradiction de la part des animateurs de la chaîne ni des autres invités, constituent pourtant une stigmatisation massive et absurde d’une communauté entière. Pour comprendre la gravité de ces propos, il faut rappeler que Noëlle Lenoir n’est pas n’importe qui : première femme membre du Conseil constitutionnel (1992-2001), ministre entre 2002 et 2004, conseillère d’État et juriste réputée, elle occupe aujourd’hui le poste de présidente du comité de soutien à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Son parcours prestigieux, qui comprend également des fonctions dans diverses instances internationales, notamment à l’UE et l’UNESCO, rend ses propos d’autant plus choquants et inacceptables. Cette attaque contre les Algériens révèle un mépris profond pour une communauté partie intégrante de la nation française aujourd’hui, et qui a largement contribué depuis les années 1950 à la construction de la France moderne et à son fonctionnement actuel.
Les Algériens, piliers méconnus de la France
La bêtise de cette attaque xénophobe réside dans la contribution essentielle des Algériens à l’économie et au développement de la France contemporaine. Au-delà des secteurs traditionnels comme le bâtiment ou l’industrie, les Algériens excellent dans le domaine médical : selon les dernières données officielles du Conseil national de l’Ordre des médecins, au 1er janvier 2025, la France comptait 6 891 médecins diplômés en Algérie inscrits à l’ordre, représentant près de 40 % de l’ensemble des praticiens à diplôme hors Union européenne ! Autant dire que sans les Algériens, le système médical ou hospitalier français ne fonctionnerait plus.
Au-delà du secteur médical, les Algériens participent activement à tous les secteurs de l’économie française : enseignement, recherche, administration, entrepreneuriat, culture. Cette communauté dynamique contribue quotidiennement au développement du pays, loin des clichés haineux véhiculés par Noëlle Lenoir.
Mieux, la jeunesse française se reconnait aujourd’hui dans les stars originaires d’Algérie, Lena Situations, Lyna Khoudry ou Melliti pour ne citer qu’elles.
Les propos de Noëlle Lenoir reflètent l’aigreur d’une génération dépassée par les mutations socio-économiques actuelles et qui cherche désespérément un bouc émissaire au déclassement économique et géopolitique de la France : entre les deux guerres mondiales du vingtième siècle, le bouc émissaire commode de l’extrême-droite dépassée par l’histoire, ce fut « le Juif ». Les nouveaux idéologues de la même mouvance… Essaient de faire jouer le même rôle à « l’Algérien ». Il y a fort à parier que le peuple français ne se laissera pas duper par ces délires.
Une mobilisation judiciaire unanime face à la haine anti-algérienne
Face à la gravité de ces déclarations, une mobilisation judiciaire immédiate s’est organisée, témoignant de l’indignation générale suscitée par ces propos anti-algériens. La députée écologiste d’origine algérienne Sabrina Sebaihi a saisi la procureure de la République de Paris, déclarant avec justesse : « Assimiler des millions d’Algériens à des criminels n’est pas une opinion : c’est un délit. La haine et la stigmatisation ne peuvent être tolérées« . Il faut se souvenir que les Algériens furent très nombreux à combattre parmi les Forces Française Libres, au sein de la 2ème DB du Maréchal Leclerc, et qu’Ahmed Ben Bella, par exemple, fut décoré pour ses faits d’armes sur le front des troupes, lors de la campagne d’Italie. Et la Députée de souligner que les accusations de Noëlle Lenoir « ignorent l’histoire et l’honneur d’un peuple qui a résisté à l’oppression » rappelant que « des millions d’Algériens ont combattu la colonisation, affronté le terrorisme dans l’isolement international, et payé au prix du sang leur liberté« .
SOS Racisme a également saisi l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et déposé plainte, qualifiant cette « stigmatisation xénophobe » d’injure publique à caractère raciste. L’Union française des binationaux et de la diaspora algérienne a quant à elle saisi le tribunal administratif de Paris contre la chaîne CNews, réclamant des excuses publiques et une amende de 50 000 euros.
Les réactions politiques ont été unanimes pour condamner ces propos discriminatoires envers les Algériens. Ahmed Laouedj, sénateur socialiste d’origine algérienne, a dénoncé des propos « abjects » et « inqualifiables« , déclarant qu’ils « déshonorent les valeurs de la République« .
Erwan Davoux, ancien chargé de mission à l’Élysée et directeur de la revue Geopolitics, a apporté son soutien aux Algériens de manière particulièrement directe, déclarant : « Me concernant, je me sens plus à l’aise avec des millions d’Algériens qu’avec une vieille bique au service de Netanyahu, criminel de guerre, dont le racisme dégouline par tous les pores de la peau« .
Ces réactions témoignent du rejet massif des propos haineux de Noëlle Lenoir par la classe politique française, au-delà des clivages partisans. Pourtant, ils ont été tenus et n’ont pas été corrigés ou contredits sur Cnews.
CNews et l’empire médiatique de Bolloré : une machine à haine anti-algérienne
Il est impossible de comprendre cette polémique sans évoquer le contexte médiatique dans lequel elle s’inscrit. CNews appartient au milliardaire Vincent Bolloré, figure controversée bien connue en Afrique, qui a transformé cette chaîne en outil de promotion de l’extrême droite française et de discours anti-algériens.
Depuis la prise en main du groupe Canal+ par Vincent Bolloré en 2015, l’ancienne I-Télé a été rebaptisée CNews le 27 février 2017, après le départ de plus des trois quarts de ses journalistes, suite à une grève historique d’un mois. Sa ligne éditoriale est désormais décrite comme très ancrée dans une droite réactionnaire, avec une orientation de plus en plus marquée à l’extrême-droite.
CNews s’est érigée comme la « Fox News française« , championne du franc-parler face à des médias traditionnels supposément étouffés par le politiquement correct. Cette machine médiatique a notamment servi de rampe de lancement politique à Éric Zemmour, ancien chroniqueur vedette de la chaîne, qui a obtenu 7% des suffrages à la présidentielle de 2022. L’absence totale de contradiction face aux propos anti-algériens de Noëlle Lenoir s’inscrit parfaitement dans cette logique de complaisance envers les discours xénophobes.
Ces déclarations interviennent dans un moment de tension entre la France et l’Algérie, orchestré par les autorités françaises et notamment Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur. Dans ce contexte, les propos de Noëlle Lenoir apparaissent comme une tentative d’instrumentaliser ces tensions diplomatiques pour légitimer un discours de haine envers les Algériens de France, qui n’ont aucune responsabilité dans ces tensions géopolitiques mais en subissent les conséquences discriminatoires.
Cette stratégie révèle une approche délibérée de certains idéologues d’extrême-droite, visant à faire des Algériens de France les boucs émissaires des problème économiques, sociaux, voire géopolitiques de l’Hexagone.
Une dérive symptomatique des élites françaises anti-algériennes
L’affaire Lenoir révèle une dérive préoccupante d’une partie des élites françaises vers des positions ouvertement anti-algériennes. Comment une ancienne membre du Conseil constitutionnel, censée incarner les valeurs républicaines, peut-elle tenir de tels propos contre une communauté qui a tant donné à la France et qui est partie intégrante de la Nation française ? Cette dérive s’inscrit dans un climat général de banalisation des discours de haine, tolérés si ce n’est orchestrés notamment par l’empire médiatique de Vincent Bolloré.
L’issue des procédures judiciaires en cours sera scrutée de près, tant en France qu’en Algérie. Elle pourrait créer un précédent important dans la lutte contre les discours de haine visant spécifiquement la communauté algérienne. Au-delà des sanctions pénales éventuelles, c’est aussi la responsabilité des médias qui est en jeu.
L’honneur de la France réside dans sa capacité à protéger les Algériens qui la composent et l’enrichissent, pas dans les attaques xénophobes d’anciennes ministres égarées sur les plateaux d’une télévision hors contrôle, ignorant à la fois pluralisme et déontologie, les deux mamelles de l’information. Les liens historiques et souvent familiaux entre la France et l’Algérie méritent mieux que les délires haineux de Noëlle Lenoir.