
Cinq corps retrouvés à Lomé dans un contexte de manifestations violemment réprimées : les autorités togolaises ouvrent une enquête judiciaire. Tandis que le pouvoir évoque des noyades, l’opposition et la société civile pointent du doigt des exactions possibles des forces de sécurité.
Au Togo, les manifestations de juin contre la réforme constitutionnelle de 2024, la hausse du prix de l’électricité et les arrestations d’opposants continuent de faire des vagues. Ce 6 juillet, le parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire après la découverte de cinq corps dans deux cours d’eau de Lomé. Les autorités évoquent des décès par noyade, tandis que la société civile et l’opposition soupçonnent une implication des forces de sécurité.
Des corps repêchés dans des conditions troublantes
Le procureur de la République, Talaka Mawama, a détaillé les faits à la télévision nationale. Le 27 juin, deux jeunes Béninois de 23 et 25 ans ont été retrouvés sans vie dans le quatrième lac d’Akodessêwa. Selon les constatations initiales, ils seraient morts par noyade 48 heures avant les premières manifestations. Le même jour, deux autres corps ont été repêchés dans la lagune de Bè : un élève de troisième, immédiatement inhumé par sa famille sans autopsie, et un adolescent de 15 ans dont une expertise médico-légale a confirmé la noyade. Le 28 juin, un cinquième corps, celui d’un Gabonais de 21 ans, a également été retrouvé dans la même lagune.
Face à l’émoi provoqué par ces décès, une enquête contre X a été officiellement ouverte. L’opposition et plusieurs ONG, dont Amnesty International, demandent des investigations indépendantes. Elles dénoncent aussi un usage excessif de la force lors des manifestations, ainsi que des arrestations arbitraires et des violences commises par des miliciens pro-régime. Certains estiment que le bilan officiel est sous-évalué et évoquent au moins sept morts liés aux protestations.
Un climat politique de plus en plus tendu
Depuis le début du mois de juin, 114 manifestants ont été arrêtés, d’après le parquet. Dix-huit d’entre eux ont été condamnés à un an de prison, dont onze mois avec sursis. Neuf autres sont toujours détenus. Alors que le procureur accuse les manifestants d’avoir attaqué les forces de l’ordre, les leaders de la contestation appellent à de nouvelles mobilisations. Deux journées de manifestation sont prévues les 16 et 17 juillet, cette dernière date coïncidant avec des élections municipales controversées, que l’opposition souhaite reporter.
Le Togo traverse une période de tension politique exacerbée, où la défiance envers les institutions s’amplifie. Alors que l’enquête sur les cinq morts est en cours, la société civile reste vigilante, réclamant vérité et justice. Dans un pays marqué par des décennies de pouvoir sans partage, cette affaire pourrait raviver les frustrations populaires et renforcer la contestation face au régime de Faure Gnassingbé.