
Avec sa prestation de serment comme président du Conseil, Faure Gnassingbé ouvre une nouvelle ère politique au Togo. Cette fonction, créée par une réforme constitutionnelle controversée, concentre désormais l’essentiel du pouvoir exécutif. Si ses partisans saluent un tournant institutionnel, l’opposition dénonce un verrouillage du système au profit d’un chef d’État déjà en poste depuis 2005.
Le samedi 3 mai 2025 consacre une nouvelle étape dans l’histoire politique du Togo. Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis bientôt deux décennies, a prêté serment comme président du Conseil, la plus haute fonction exécutive du pays créée suite à la récente réforme constitutionnelle. Cette cérémonie solennelle officialise le basculement vers un régime parlementaire, une transition dénoncée comme un « coup d’État institutionnel » par une opposition marginalisée mais toujours active.
Une cérémonie symbolique pour un pouvoir consolidé
Devant le Conseil constitutionnel, main droite levée et regard ferme, Faure Gnassingbé a prononcé la formule prévue par l’article 47 de la nouvelle Constitution. Cette prestation de serment consacre son nouveau rôle de président du Conseil des ministres, poste conçu pour concentrer l’essentiel du pouvoir exécutif. À l’extérieur, des partisans enthousiastes scandaient des slogans à sa gloire, illustrant un soutien populaire encadré, tandis que les forces armées réitéraient leur allégeance au nouveau chef suprême.
Le choix du président du Conseil, effectué quelques heures auparavant par une Assemblée nationale dominée par le parti présidentiel, l’Union pour la République (Unir), ne faisait aucun doute : avec 108 députés sur 113 et 34 des 41 sénateurs, Faure Gnassingbé règne en maître sur le Parlement.
Une réforme controversée, une opposition fragilisée
Cette prestation de serment intervient après l’adoption en avril 2024 d’une nouvelle Constitution abolissant l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Désormais, le président de la République, élu par le Parlement, n’a plus qu’un rôle honorifique. Cette mutation institutionnelle, interprétée par l’opposition comme une manœuvre pour pérenniser le pouvoir de Faure Gnassingbé, suscite toujours une vive controverse.
Des figures de la société civile, à l’instar de Nathaniel Olympio du Front « Touche pas à ma Constitution« , dénoncent une confiscation de la souveraineté populaire. Pour lui, cette réforme marque « le viol orchestré de la conscience de chaque Togolais », un sentiment partagé par de nombreux opposants appelant à manifester contre ce qu’ils qualifient de dérive autoritaire.
Une opposition muselée, mais toujours debout
Les derniers scrutins législatifs et sénatoriaux, boycottés par les principales formations d’opposition, ont renforcé la mainmise du pouvoir sur les institutions. Les observateurs internationaux, écartés du processus électoral, n’ont pu constater la régularité du scrutin. Malgré ce verrouillage apparent, l’opposition entend bien participer aux prochaines élections municipales fixées au 10 juillet, espérant regagner un minimum d’espace politique.
Ce nouveau cadre institutionnel, inspiré des régimes parlementaires, place théoriquement le pouvoir entre les mains de la majorité parlementaire. Mais dans un Togo où cette majorité est déjà largement acquise au parti présidentiel, il semble difficile d’imaginer un véritable rééquilibrage des forces.
Une dynastie enracinée dans la République
Faure Gnassingbé succède ainsi à lui-même, sous une nouvelle fonction façonnée par une réforme qui, selon ses détracteurs, n’a d’autre but que de prolonger l’emprise familiale sur le pays. Fils de l’ancien président Gnassingbé Eyadéma, qui a régné pendant 38 ans jusqu’à sa mort en 2005, Faure Gnassingbé cumule aujourd’hui 20 ans à la tête de l’État, et pourrait encore diriger le pays durant plusieurs années.
À bientôt 59 ans, le président du Conseil projette désormais son autorité dans une Ve République où la démocratie semble avoir été redéfinie au prisme du pouvoir présidentiel. Entre adhésion populaire orchestrée et critiques acerbes de l’opposition, le Togo s’enfonce dans une nouvelle ère politique, aux contours encore incertains.