
L’ancien vice-président nigérian et figure centrale de l’opposition, Atiku Abubakar, a officiellement quitté le Parti démocratique populaire (PDP), formation qu’il avait contribué à fonder dans les années 1990.
Cette rupture reste un épisode marquant dans le paysage politique nigérian, à deux ans des élections générales de 2027. Atiku rejoint désormais le Congrès démocratique africain (ADC), une coalition émergente qui entend unifier l’opposition pour défier le Président Bola Tinubu.
Une démission symbolique mais stratégique
Dans une lettre datée du 14 juillet, Atiku Abubakar évoque des « divergences irréconciliables » avec la direction du PDP et une trajectoire politique qui, selon lui, trahit les idéaux fondateurs du parti. Ce départ n’est pas inédit : l’homme politique septuagénaire a quitté à plusieurs reprises le PDP pour d’autres formations avant d’y revenir, notamment en 2007, 2014 et 2017.
Mais cette fois-ci, son ralliement à l’ADC ne semble pas être une simple stratégie électorale individuelle. Il s’inscrit dans un mouvement plus large de réorganisation de l’opposition nigériane, à laquelle se joignent également Peter Obi, ancien candidat du Parti travailliste (LP) en 2023, et d’autres poids lourds comme Rotimi Amaechi et Nasir El-Rufai.
Une coalition hétéroclite contre Tinubu
Bola Tinubu, élu Président en 2023 avec 37 % des voix face à Atiku (29 %) et Peter Obi (25 %), pourrait faire face à un front uni en 2027. La dispersion des voix de l’opposition a été l’un des facteurs majeurs de sa victoire. En formant une alliance, les anciens rivaux entendent tirer les leçons de cet échec.
Le Congrès démocratique africain, bien que présent sur la scène politique depuis 2005, était jusque-là marginal. Mais avec l’arrivée de figures politiques de premier plan, l’ADC prend une nouvelle dimension. Son président par intérim, l’ancien président du Sénat David Mark – il a lui-même démissionné du PDP, il y a tout juste quelques semaines –, affirme que cette coalition vise à « sauver la démocratie » et empêcher le Nigeria de glisser vers un régime de parti unique.
Une alliance Atiku-Obi source de questionnements
Si l’idée d’un ticket commun Atiku-Obi enflamme les spéculations, elle divise aussi l’opinion. Dumebi Kachikwu, ancien candidat de l’ADC en 2023, a publiquement mis en garde Peter Obi contre toute subordination à Atiku, arguant que le pouvoir devrait, par équité, revenir au Sud après huit années de présidence nordiste sous Muhammadu Buhari. Kachikwu accuse les nouveaux entrants dans l’ADC de vouloir manipuler la structure du parti à des fins personnelles. Il dénonce également des tentatives d’achat de postes de direction au sein du parti et affirme que la coalition manque pour l’instant de vision politique claire sur les grands défis du pays.
Le départ d’Atiku constitue un séisme pour le PDP, qui perd l’un de ses principaux bailleurs et stratèges. Selon l’analyste Sani Balarabe, le parti pourrait perdre sa place de principale force d’opposition si l’exode se poursuit. Le Parti travailliste, quant à lui, vacille sans Peter Obi, figure charismatique qui avait revitalisé la formation en 2023. Malgré ces pertes, les deux partis conservent un socle institutionnel : à eux deux, ils contrôlent encore 11 États fédérés. Mais cette base pourrait se réduire si les gouverneurs locaux suivent leurs leaders vers l’ADC ou l’APC.
Un match ouvert pour 2027
Pendant que Bola Tinubu semble prêt à briguer un second mandat – avec le soutien affiché de l’APC malgré les questions sur sa santé –, la scène politique nigériane entre dans une période d’incertitude. L’issue de la Présidentielle de 2027 dépendra largement de la capacité de l’opposition à rester unie et à présenter un programme crédible face aux promesses non tenues du pouvoir actuel.
Pour l’heure, l’ADC s’impose comme le nouveau centre de gravité de l’opposition. Reste à savoir si les ambitions personnelles d’Atiku et d’Obi pourront cohabiter dans un projet commun sans implosion prématurée. Le Nigeria observe, prudent, mais attentif.