
Arrestations arbitraires, violences policières, disparitions et morts suspectes : Amnesty International alerte sur une nouvelle vague de répression brutale au Togo.
Depuis le 26 juin, la capitale togolaise Lomé est le théâtre d’une répression sévère à l’encontre des manifestants opposés aux dérives autoritaires du régime. Dans un communiqué publié ce 3 juillet, Amnesty International dénonce un usage « inutile et excessif de la force » par les forces de sécurité, évoquant de possibles homicides illégaux, des actes de torture et plusieurs cas d’enlèvements.
L’organisation a recueilli les témoignages de 18 personnes – victimes ou témoins directs – dont 13 décrivent des violences systématiques de la part de militaires, gendarmes ou miliciens en civil.
Des témoignages glaçants
À Avénou, un habitant a raconté à Amnesty qu’une descente brutale a eu lieu le 30 juin : « Trois pickups et une voiture sont arrivés à toute vitesse. Des hommes en civil ont forcé notre porte, nous ont ordonné de nous agenouiller, armes braquées, puis nous ont battus. »
Un autre manifestant, âgé de 38 ans, dit avoir été passé à tabac par des militaires le 26 juin à Attiégou, avant de perdre connaissance.
Un adolescent de 17 ans affirme avoir été détenu cinq jours dans trois centres de gendarmerie différents, où il aurait subi de graves mauvais traitements : « Si nous baissions les bras, ils nous frappaient avec des cordelettes […]. Toute la journée, nous n’avions qu’un sachet d’eau. » Plus de 40 personnes, dont d’autres enfants, auraient été détenues avec lui.
Des cas de disparitions inquiétantes s’ajoutent à ces témoignages. Trois personnes sont portées disparues depuis le 27 juin après une intervention d’hommes non identifiés dans un logement à Adidogomé. L’une des victimes avait diffusé en direct sur TikTok une vidéo au moment de l’irruption, qui s’interrompt brutalement.
Des morts inexpliquées, dont des mineurs
Le bilan humain reste flou mais préoccupant. Le corps d’un adolescent de 16 ans a été retrouvé dans la lagune de Bè le 27 juin, avec celui d’un autre enfant. Des parents évoquent la présence de forces de sécurité en uniforme noir et des tirs la veille dans leur quartier.
Des organisations de la société civile locales affirment avoir recensé au moins sept morts, évoquant des « blessures par balles » sur les corps repêchés et des « bastonnades » systématiques.
Le gouvernement, de son côté, évoque des cas de « noyade » confirmés par des analyses médico-légales, sans convaincre les familles des victimes ni les ONG.
Ces violences interviennent dans un contexte politique de plus en plus tendu depuis l’adoption d’une nouvelle Constitution en avril 2024, qui concentre le pouvoir entre les mains du président du Conseil des ministres – une fonction désormais occupée par l’ex-président Faure Gnassingbé, déjà au pouvoir depuis 2005.
Depuis plusieurs années, les manifestations pacifiques sont régulièrement interdites. Les journalistes critiques sont poursuivis, certains condamnés à des peines de prison. En juin, Amnesty avait déjà documenté des cas de torture visant des manifestants arrêtés.
« Toute la lumière doit être faite sur ces morts et sur le sort des personnes disparues », déclare Fabien Offner, chercheur d’Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest. « Les personnes détenues pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique doivent être libérées. »
Des zones d’ombre persistantes
Le flou règne toujours sur le nombre de personnes interpellées. Selon Me Darius K. Atsoo, avocat togolais cité par Amnesty, au 30 juin, 31 personnes étaient encore détenues, tandis que 18 avaient été libérées. Six personnes restaient introuvables le 2 juillet.
Pour Marceau Sivieude, directeur régional par intérim d’Amnesty International, « des enquêtes indépendantes et transparentes doivent être ouvertes de toute urgence ».
Alors que les autorités évoquent une « situation sous contrôle », les rues de Lomé résonnent encore du silence pesant laissé par la peur, les arrestations et les corps retrouvés sans explication.