
La scène politique sénégalaise est de nouveau secouée par une intervention retentissante de Juan Branco, qui ravive les tensions autour du pouvoir issu de l’élan populaire de 2024. L’avocat, figure familière du camp Pastef, s’alarme d’une rupture grandissante entre l’idéal porté par la révolution citoyenne et la trajectoire actuelle du pays. Par une critique frontale, il met en cause les orientations du Président Bassirou Diomaye Faye et alimente un débat déjà électrique sur la place d’Ousmane Sonko dans l’architecture politique
Dans un long texte intitulé « Le legs de la révolution sénégalaise est en jeu », l’avocat franco-espagnol Juan Branco, proche d’Ousmane Sonko et longtemps impliqué dans la défense internationale du projet politique de Pastef, intervient avec virulence dans le débat politique sénégalais. Il dénonce ce qu’il considère comme une trahison imminente de l’héritage de la « révolution citoyenne » qui a porté Bassirou Diomaye Faye au pouvoir, et accuse le Président de s’éloigner de l’esprit fondateur qui a animé la lutte menée par Sonko et ses partisans.
Au cœur de sa sortie : le conflit de plus en plus visible entre le Président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Selon Juan Branco, la légitimité populaire ne se trouve pas du côté du chef de l’État, mais exclusivement entre les mains de Sonko, présenté comme l’unique figure capable d’incarner la volonté souveraine du peuple sénégalais.
Remise en cause de la souveraineté populaire
Branco rappelle à plusieurs reprises que Diomaye Faye n’a remporté la Présidentielle que grâce à la consigne de vote d’Ousmane Sonko, alors empêché de participer au scrutin. Pour l’avocat, il ne s’agit donc pas d’une victoire institutionnelle classique, mais de la traduction mécanique de la popularité écrasante du leader de Pastef. Il avance que Sonko, « et lui seul », a permis une victoire dès le premier tour, sans campagne électorale, tout comme il aurait permis ensuite la prise quasi totale de l’Assemblée nationale. Dans cette logique, toute contestation de la primauté politique de Sonko équivaudrait à une remise en cause de la souveraineté populaire.
Cette prise de position radicale sert de point de départ à une analyse largement pessimiste de l’évolution du pouvoir depuis l’élection. Branco accuse le nouvel exécutif d’être paralysé par l’« ancien système » : administration, diplomatie, économie et justice seraient encore contrôlées par les mêmes élites que celles qui ont dominé les régimes précédents. Selon lui, des secrétaires généraux restés en place freineraient les réformes et décourageraient la rupture pourtant attendue par les électeurs.
Le Sénégal menacé de retomber dans des drames migratoires
Il dénonce également le maintien de grandes entreprises et acteurs internationaux, Dakarnave, Orange, Xavier Niel, la Fondation Bill Gates, qu’il décrit comme des prédateurs continuant d’exploiter le pays. Pour Branco, le Sénégal risquerait même de retomber dans des drames migratoires meurtriers si aucune politique économique de rupture n’était engagée. Il prédit aussi un risque d’instabilité sécuritaire régionale en cas d’absence de stratégie souveraine.
L’avocat peint alors un tableau d’échecs : absence d’avancées sur la souveraineté monétaire, retard en matière de défense, maintien de personnalités controversées proches de l’ancien pouvoir, et même des mises en scène diplomatiques humiliantes. À ses yeux, tout cela démontre que les sacrifices faits par la jeunesse sénégalaise, morts, blessés, exilés, sont en train d’être trahis.
Possible dérive autoritaire de Diomaye Faye
C’est dans ce contexte qu’il interprète la tension actuelle entre Sonko et Faye comme un signe alarmant. Branco accuse certains acteurs de vouloir offrir « à une représentante de l’ancien monde » les fruits de la révolution, un geste qu’il juge inacceptable. Il évoque même une possible dérive autoritaire si le Président, en situation de crise interne, venait à utiliser des leviers répressifs rappelant ceux qui ont visé Sonko par le passé.
Pour lui, la gravité de la situation impose un sursaut. Le Sénégal devrait, selon sa vision, prendre l’initiative d’une diplomatie active, notamment auprès des BRICS, pour financer des projets d’industrialisation et de formation, rompre avec les schémas coloniaux, affirmer une position ferme sur la Palestine et devenir un modèle de souveraineté et de dignité africaine. C’est ce grand rôle géopolitique qu’il attribue au Sénégal et qu’il estime aujourd’hui dévoyé.
La révolution sénégalaise au bord d’un effondrement ?
La deuxième partie de son texte est un plaidoyer quasi mystique pour Sonko. Il martèle que le leader de Pastef reste l’unique détenteur de la légitimité politique réelle. Pour Branco, aucune formalité institutionnelle, aucun texte légal ne peut remettre en cause cette légitimité, car elle repose sur une souveraineté populaire absolue. Il en appelle même, si nécessaire, à une réforme constitutionnelle permettant de trancher toute concurrence de légitimité entre Président et Premier ministre. Il est convaincu que dans un tel scénario, le peuple confierait naturellement le pouvoir à Sonko.
L’avocat termine sur un ton menaçant, prévenant que l’Histoire ne pardonnerait pas une nouvelle trahison. Il affirme que ceux qui oseraient s’opposer à cette « évidence », la primauté politique de Sonko, devront « se soumettre ou se démettre ». Son texte est ainsi moins une analyse qu’un manifeste politique et un avertissement : la révolution sénégalaise, selon lui, serait au bord d’un effondrement si Sonko n’en est pas reconnu comme le dépositaire exclusif.





