Soudan : l’OMS alerte sur la famine et réclame un accès humanitaire urgent à El-Fasher


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Tedros Adhanom Ghebreyesus, DG de l'OMS
Le Directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus

Alors que le conflit qui ravage le Soudan depuis avril 2023 ne montre aucun signe d’apaisement, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé une alerte inquiétante sur l’ampleur de la crise humanitaire dans le pays. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a averti ce samedi que certaines régions du Soudan sont d’ores et déjà confrontées à des conditions de famine, et a demandé en urgence un accès humanitaire sans entraves, en particulier dans la ville assiégée d’El-Fasher, au Darfour-Nord.

Depuis le début du conflit entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (RSF), la situation humanitaire au Soudan n’a cessé de se dégrader. L’ONU qualifie aujourd’hui la crise alimentaire au Soudan de plus grave au monde, surpassant celles d’autres pays également confrontés à la guerre, comme le Yémen ou la Syrie. Selon les estimations, plus de 14 millions de personnes ont été déplacées, et le nombre de morts avoisine les 130 000, bien au-delà des chiffres officiels de 20 000 décès, selon une étude récente menée par des universités américaines.

Une crise humanitaire sans précédent

La malnutrition aiguë sévit à grande échelle. L’OMS estime que plus de 770 000 enfants souffriront de malnutrition aiguë sévère cette année. Cette forme de malnutrition, souvent mortelle sans traitement, affaiblit considérablement le système immunitaire et rend les enfants vulnérables aux infections. Déjà, plus de 20 000 enfants ont été pris en charge dans les 142 centres soutenus par l’OMS à travers le pays.

Mais la malnutrition n’est que l’un des aspects d’une crise multiforme. Le pays est également frappé par une grave épidémie de choléra, qui s’est propagée aux 18 États soudanais, avec 105 000 cas recensés et 2 600 décès. Dans un contexte de pénurie d’eau potable, d’hygiène défaillante et de surpopulation dans les camps de déplacés, les conditions sont réunies pour que l’épidémie continue de s’étendre.

El-Fasher : ville assiégée, centre névralgique de la tragédie

La situation à El-Fasher, chef-lieu du Darfour-Nord, symbolise la gravité de la crise. Cette ville, considérée comme le principal centre humanitaire pour les cinq États du Darfour, est assiégée depuis plus de 500 jours par les Forces de soutien rapide. Les affrontements y ont repris avec intensité en mai 2024, et les civils en paient un lourd tribut. Des médecins sur place ont signalé que des frappes d’artillerie des RSF ont tué 18 civils et blessé plus de 100 personnes en une seule journée.

Dans une telle configuration, l’accès humanitaire est extrêmement restreint, voire inexistant. Les convois d’aide sont fréquemment interceptés, attaqués ou retardés. L’OMS, comme d’autres agences de l’ONU, réclame donc un accès sûr, rapide et sans entrave à la ville, afin de pouvoir acheminer nourriture, médicaments, eau potable et personnel médical.

Une guerre sans fin : les belligérants et leurs responsabilités

Le conflit au Soudan oppose depuis avril 2023 l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide, menées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti ». Ce qui avait commencé comme une lutte de pouvoir entre deux factions militaires s’est rapidement transformé en guerre totale, mettant à feu et à sang de vastes régions du pays, notamment la capitale Khartoum et les provinces du Darfour.

Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre par des organisations internationales : exécutions sommaires, viols de masse, destruction d’infrastructures civiles, usage délibéré de la famine comme arme de guerre, etc. À El-Fasher, les civils pris entre deux feux sont les premières victimes de cette guerre de position, où l’armée et les RSF semblent déterminées à tenir ou reprendre la ville à tout prix, au mépris du droit humanitaire international.

Une réponse internationale insuffisante

Face à l’ampleur du drame soudanais, la réponse de la communauté internationale reste, selon de nombreux observateurs, largement insuffisante. Le manque de visibilité médiatique, l’épuisement des financements humanitaires mondiaux et la complexité du terrain empêchent une mobilisation à la hauteur des besoins.

L’appel de l’OMS s’inscrit dans une série de cris d’alarme lancés par les agences onusiennes ces derniers mois. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) a d’ores et déjà indiqué que l’accès humanitaire est l’un des principaux obstacles à la réponse d’urgence. Or, tant que les belligérants ne permettent pas un accès sécurisé aux zones assiégées, toute tentative de secours reste vouée à l’échec.

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