
Le conflit au Soudan atteint un nouveau seuil de violence à el-Fasher, dernier bastion stratégique de l’armée dans le Darfour-Nord. Les Forces de soutien rapide multiplient les assauts, aggravant une crise humanitaire déjà dramatique. Prise au piège, la population tente de survivre sous les bombes et le blocus. L’ONU lance un nouvel appel à l’arrêt des hostilités et à l’ouverture de couloirs humanitaires, alors que deux tiers des Soudanais dépendent désormais de l’aide d’urgence.
Alors que le Soudan sombre chaque jour davantage dans le chaos, les Nations unies ont lancé, une nouvelle fois ce mardi 22 juillet, un appel pressant à l’arrêt immédiat des hostilités. L’organisation internationale exhorte également à la protection des civils et du personnel humanitaire, pris entre deux feux dans un conflit d’une violence extrême. À ce jour, près des deux tiers de la population soudanaise ont besoin d’une aide d’urgence, tandis que les combats s’intensifient autour d’el-Fasher, capitale du Darfour-Nord et dernier bastion stratégique tenu par l’armée régulière.
El-Fasher, ultime rempart de l’armée soudanaise
La ville d’el-Fasher est aujourd’hui l’épicentre d’un affrontement déterminant dans la guerre civile qui déchire le Soudan depuis plus d’un an. Encerclée depuis 15 mois, cette cité représente la dernière grande position défensive de l’armée nationale dans la région du Darfour. Lundi 21 juillet, les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti », ont lancé leur 223ème offensive contre la ville, dans une tentative renouvelée de s’en emparer.
Malgré un assaut d’une ampleur inédite, les paramilitaires n’ont pas réussi à franchir les lignes de défense de l’armée soudanaise, qui a réussi à repousser l’attaque. Les combats, extrêmement violents, ont laissé de nombreuses victimes parmi les rangs des FSR. Des corps de combattants jonchaient les rues du quartier sud-ouest de la ville après les affrontements.
Une puissance de feu renforcée, mais sans victoire
Pour cette opération, les Forces de soutien rapide avaient massé un important contingent de combattants et déployé des véhicules blindés sophistiqués. Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux par les FSR elles-mêmes, on distingue clairement un véhicule Spartan, un blindé fabriqué par la société Streit Group aux Émirats arabes unis. Ce type d’équipement souligne l’appui matériel étranger dont bénéficient les FSR, et leur volonté farouche de s’emparer d’el-Fasher pour contrôler l’ensemble du Darfour.
Mais au-delà de la conquête territoriale, les paramilitaires mènent une guerre d’usure contre les civils restés sur place, utilisant la faim comme arme. En maintenant un siège strict autour de la ville, les FSR empêchent tout approvisionnement en nourriture, en médicaments ou en aide humanitaire.
La population d’el-Fasher livrée à elle-même
Pris au piège dans une ville assiégée et bombardée, les habitants d’el-Fasher tentent de survivre avec les moyens du bord. Faute de pouvoir cultiver leurs champs, rendus inaccessibles par les combats, ils transforment les maisons abandonnées et les ruelles en potagers de fortune. Des centaines de foyers sont ainsi devenus des jardins improvisés, dans une lutte quotidienne contre la faim.
Avant le conflit, l’agriculture représentait près de la moitié de l’économie locale. Aujourd’hui, les structures sanitaires de la ville sont détruites, les services publics inexistants, et l’alimentation se limite bien souvent à des résidus de cacahuètes pressées, appelés ambaz, traditionnellement réservés au bétail. Ces conditions de survie témoignent de l’effondrement complet des infrastructures et de l’ampleur de la crise humanitaire en cours.
L’ONU en alerte face à une catastrophe sans précédent
Face à cette situation dramatique, l’ONU appelle une fois encore les parties en conflit à faciliter un accès humanitaire sans entrave, que ce soit à travers les lignes de front ou les frontières. Elle demande également un renforcement du soutien international, car le pays est en proie à une catastrophe humanitaire massive.
Les chiffres sont alarmants : près de 66% de la population soudanaise dépend aujourd’hui de l’aide d’urgence. Des cas de famine ont été confirmés dans au moins cinq régions du pays. Un tiers des Soudanais, soit environ 17 millions de personnes, ont été contraints de fuir leur foyer depuis le début du conflit en avril 2023.
Mlit, nouveau refuge pour des milliers de déplacés
La pression exercée sur el-Fasher pousse chaque jour davantage d’habitants à fuir la ville. Le mercredi 23 juillet, ce sont environ 1 000 nouvelles familles qui ont rejoint la ville de Mlit, dans le nord du Darfour. Ces déplacés viennent s’ajouter aux centaines de milliers d’autres qui ont trouvé refuge dans des zones relativement épargnées par les combats, mais qui manquent cruellement de ressources pour les accueillir.
Le conflit entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide semble s’enliser, sans perspective de négociation sérieuse en vue. Chaque attaque sur el-Fasher renforce le risque d’un affrontement généralisé au Darfour et fait redouter un embrasement total de la région. Pour de nombreux observateurs, le siège prolongé de la ville et la stratégie de la terre brûlée adoptée par les FSR ne laissent entrevoir qu’une intensification de la violence dans les semaines à venir.