
La crise soudanaise vient de franchir un nouveau seuil critique. Ce mardi 6 mai, le gouvernement de Khartoum a officiellement rompu ses relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis, les accusant d’une ingérence militaire directe dans le conflit en cours.
À l’origine de cette décision fracassante : une série de frappes de drones attribuées aux Forces de soutien rapide (FSR), soutenues selon les autorités soudanaises par Abou Dhabi. Une rupture aux airs de déclaration de guerre diplomatique, sur fond d’un conflit déjà meurtrier et complexe.
Des drones contre un État : l’accusation directe de Khartoum
Depuis trois jours, Port-Soudan, ville stratégique et siège provisoire du gouvernement soudanais, est la cible de frappes de drones ayant visé des infrastructures civiles et militaires : aéroport, station électrique, base de l’armée, dépôts de carburant. Bien que les FSR n’aient pas revendiqué ces attaques, l’armée régulière les leur attribue sans détour, pointant du doigt le rôle des Émirats arabes unis dans la fourniture d’armements sophistiqués. Le ministre de la Défense, Yassin Ibrahim, a affirmé à la télévision nationale que « le monde entier assiste à un crime d’agression contre la souveraineté du Soudan » et que les Émirats ont intensifié leur soutien aux paramilitaires après la perte de plusieurs positions clés, dont Khartoum.
Depuis avril 2023, le Soudan est le théâtre d’un affrontement sanglant entre le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et dirigeant de facto du pays, et son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des FSR. Ces derniers, privés d’aviation conventionnelle, ont recours à des drones pour mener leurs offensives, selon les experts. La récente attaque sur Port-Soudan, loin de leurs bastions habituels montre la capacité des FSR à frapper en profondeur, dans des zones jusque-là considérées comme sécurisées. Le général Burhane a promis de « vaincre cette milice et ceux qui la soutiennent », désignant clairement les Émirats comme cible diplomatique.
La CIJ refuse de trancher, la colère de Khartoum monte
La rupture intervient au lendemain d’un revers judiciaire pour Khartoum : la Cour internationale de justice s’est déclarée incompétente pour statuer sur une plainte du Soudan accusant les Émirats de complicité de génocide via leur soutien aux FSR. Un camouflet pour le gouvernement soudanais, qui espérait une reconnaissance officielle du rôle d’Abou Dhabi. En réponse, Khartoum semble vouloir régler l’affaire sur le terrain diplomatique – voire militaire. « Le Soudan répondra à cette agression par tous les moyens nécessaires », a prévenu le ministre de la Défense.
Jusqu’alors épargnée par les violences, Port-Soudan, principale porte d’entrée de l’aide humanitaire et zone refuge pour des milliers de civils déplacés, devient un théâtre d’opérations militaires. La ville, partiellement privée d’électricité, connaît une ruée vers les rares stations-service encore fonctionnelles. L’aéroport, le dernier encore opérationnel dans le pays, a suspendu ses activités après avoir été touché. Cette escalade soudaine a pris de court les observateurs. « Personne ne s’attendait à ce que les FSR puissent frapper aussi loin », déclare un expert soudanais. Des attaques similaires ont également visé la ville de Kassala, à l’est, et le camp de déplacés d’Abou Chouk au Darfour, où au moins six morts ont été recensés.
Une rupture qui pourrait redessiner les alliances régionales
En rompant avec les Émirats, le Soudan envoie un signal fort à la communauté internationale : il considère l’implication étrangère dans son conflit comme une agression directe. Cette décision pourrait avoir des répercussions sur les équilibres diplomatiques dans la région, où les Émirats entretiennent des liens étroits avec plusieurs acteurs, y compris des puissances occidentales. Le Soudan, de son côté, pourrait se rapprocher d’autres soutiens internationaux, notamment ceux qui dénoncent l’ingérence d’Abou Dhabi.