Sénégal : un méga-meeting du PASTEF à Dakar pour relancer la machine politique


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L'opposant sénégalais Ousmane Sonko
Ousmane Sonko, opposant sénégalais

Bousculé par des rumeurs de fractures internes, le PASTEF, le parti au pouvoir au Sénégal a organisé un géant meeting, ce samedi. Occasion pour Ousmane Sonko de démontrer que son parti n’a rien perdu de sa popularité.

Un PASTEF toujours populaire, une collaboration toujours franche avec son ami et Président Bassirou Diomaye Faye, la responsabilité de Macky Sall et de son parti dans les difficultés économiques du Sénégal, voilà les points saillants du meeting tenu ce samedi à Dakar par le parti au pouvoir.

Un rassemblement pour l’affirmation du pouvoir et de la base

Samedi 8 novembre 2025, l’esplanade du Stade Léopold‑Sédar Senghor de Dakar a été le théâtre d’un vaste rassemblement organisé par le parti au pouvoir, le PASTEF, sous la houlette de son leader, le Premier ministre Ousmane Sonko. Dans une ambiance aux couleurs rouge et vert du parti, plusieurs dizaines de milliers de militants se sont retrouvés pour réaffirmer leur soutien à leur formation politique, un peu plus de 18 mois après l’arrivée au pouvoir du parti suite à l’élection présidentielle de mars 2024.

Le meeting, qualifié dans les médias de « Téra-meeting » par le parti, avait plusieurs objectifs :

  • montrer que, loin des rumeurs de désunion au sommet de l’État, le PASTEF reste uni et puissant ;
  • remotiver le corps militant face aux « mesures délicates » annoncées pour redresser l’économie nationale ;
  • lancer un message offensif contre l’ancien régime et les charges qui lui sont attribuées, notamment dans l’affaire de la dette cachée révélée l’an dernier.

Le discours de Sonko : accusateur et mobilisateur

Dans un discours très marqué, Ousmane Sonko a verbalisé plusieurs angles. Il a dénoncé l’Alliance pour la République (APR), parti de l’ancien Président Macky Sall, qu’il a qualifié de « parti criminel » et appelé à sa dissolution. Sur cette question, le Premier ministre sénégalais reste péremptoire : « tous nos maux, aujourd’hui, viennent de l’APR, de son président et du régime passé ». En parlant en ces termes, Ousmane Sonko met en avant le problème de la dette cachée et la nécessité de poursuites pour « haute trahison ».

Enfin, il a appelé à la cohésion et à la mobilisation des militants, tout en invitant à éviter les « querelles internes et la course aux postes ». Autrement dit, le meeting a été autant un acte de remobilisation interne qu’une démonstration d’autorité publique.

En arrière-plan : enjeux économiques, divisions internes et défi de légitimité

Le contexte ne prête pas au hasard. En effet, le Sénégal traverse une période difficile sur le plan économique, marquée par la révélation d’une dette cachée massive et par la nécessité d’ajuster les comptes publics. Le discours du PASTEF s’inscrit dans ce cadre : mobiliser face aux « efforts » qui s’annoncent. Par ailleurs, des rumeurs de tensions internes ont circulé, notamment entre Ousmane Sonko et le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, également issu du PASTEF.

Le meeting a été l’occasion de dissiper ces illusions : « Nous, nous ne voyons aucun problème entre Ousmane Sonko et le chef de l’État. Jamais. » a ainsi déclaré un militant. Enfin, le parti cherche à affirmer que sa popularité reste intacte malgré les critiques, notamment de la jeunesse et de certains dissidents internes. Un militant, Cheikh Diop, explique : « Parce que beaucoup de gens disent que la jeunesse a délaissé ce parti, nous avons pris la décision de rassembler à nouveau tous les patriotes pour en montrer la force ».

En dépassant l’anecdote, ce meeting prend une dimension structurante pour l’autorité du parti et du gouvernement. Il permet à Sonko et au PASTEF de réaffirmer leur légitimité face à des défis internes et externes.

Le pari d’un « nouveau récit »

À travers ce rassemblement, plusieurs récits se superposent :

  • le récit de rupture : le PASTEF se pose en force de renouveau, affirmant que les « malheurs » du pays proviennent du régime précédent et qu’il faut en finir avec l’ancien système ;
  • le récit d’unité : dans un contexte où des voix évoquent des divisions, ce meeting vise à montrer que le parti demeure uni, ce qui est essentiel pour la stabilité politique ;
  • le récit de mobilisation populaire : en affirmant sa force de mobilisation, le parti cherche à anticiper les défis à venir et à s’assurer une assise populaire solide avant d’éventuels revers économiques.

Ce qu’il reste à surveiller

Avec cette sortie du PASTEF, les regards sont désormais tournés vers quatre points clés :

  • la traduction des promesses en actions concrètes : mobiliser la base est une chose, mais le vrai défi pour le PASTEF réside dans la mise en œuvre des réformes annoncées (économie, transparence, jeunesse). Si ces promesses ne sont pas tenues, la crédibilité pourrait en souffrir ;
  • la gestion des tensions internes : même si le meeting affiche l’unité, les ambitions personnelles, notamment chez les cadres, pourraient créer des fractures. Les appels de Sonko à éviter « la course aux postes » semblent en partie viser ce risque ;
  • l’impact des accusations contre l’APR : la volonté explicite de dissolution du parti de l’ancien Président pose une question : jusqu’où ira cette logique de confrontation politique et quels seront les effets sur le pluralisme démocratique au Sénégal ?
  • la réaction de la jeunesse : le parti ayant longtemps reposé sur un soutien jeune, sa fidélité pourrait être remise en cause si les conditions de vie (emploi, pouvoir d’achat) se dégradent.

Au total, le meeting du 8 novembre 2025 du PASTEF à Dakar marque une opération politique de grande ampleur : remobiliser, affirmer, rassurer. Il se situe à un moment charnière du mandat du parti au pouvoir, confronté à des défis économiques et à des attentes élevées. Le pari est clair : transformer cette démonstration de force en une dynamique durable pour gouverner et réformer. Mais la route reste longue.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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