
La sécheresse historique qui frappe actuellement le Somaliland menace de faire vaciller l’un des rares îlots de stabilité démocratique de la Corne de l’Afrique. Sans reconnaissance internationale, ce territoire reste quasiment exclu des mécanismes d’aide et de financement climatique dont il aurait besoin pour y faire face.
Depuis 1991, le Somaliland a construit un système politique stable, avec des institutions hybrides, des élections régulières et des forces de sécurité efficaces, ce qui en fait une exception régionale. Mais cette réussite reste invisible sur la scène internationale, aucun État ne reconnaissant officiellement son indépendance.
Cette stabilité est aujourd’hui fragilisée par une sécheresse d’une ampleur inédite, après plusieurs saisons des pluies défaillantes depuis 2021, qui en font l’une des pires crises climatiques vécues par le territoire depuis des décennies.
Une catastrophe éducative et sociale
Le gouvernement a lancé un appel d’urgence et engagé un million de dollars pour les secours, une somme largement insuffisante au regard de l’ampleur des besoins. La sécheresse a déjà provoqué la fermeture d’au moins 150 écoles dans plusieurs régions, privant plus de 45 000 élèves de leur scolarité et poussant des milliers d’enfants à suivre leurs familles en migration forcée.
Cette crise éducative s’ajoute à l’effondrement du pastoralisme, pilier de l’économie et de l’identité du pays, avec des pertes massives de bétail qui ruinent les familles et accélèrent l’exode vers les centres urbains.
Des facteurs aggravants multiples
Au-delà du manque de pluie, plusieurs chocs extérieurs aggravent la situation : la pandémie de COVID‑19 a perturbé le commerce du bétail, notamment vers l’Arabie saoudite, tandis que la guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix alimentaires et énergétiques qui frappe durement les ménages.
Les tensions dans les régions disputées avec le Puntland, comme Sool et Sanaag, compliquent l’acheminement de l’aide humanitaire, certaines zones étant considérées comme trop risquées par les ONG, ce qui laisse les communautés les plus exposées presque sans assistance.
Le contraste avec la Somalie voisine
Alors que la Somalie reste plongée dans un conflit prolongé, avec une insécurité chronique et des millions de personnes menacées par la faim dans un contexte de sécheresse et d’inondations alternées, le Somaliland apparaît comme un espace nettement plus stable.
Pourtant, c’est le gouvernement fédéral de Mogadiscio qui concentre la quasi totalité de l’aide internationale, tandis que le Somaliland, qui a réussi à maintenir une relative paix intérieure, reste largement marginalisé par les bailleurs. En effet, l’absence de reconnaissance empêche le Somaliland d’accéder directement aux institutions financières internationales, aux fonds climatiques et à des accords commerciaux qui permettraient de diversifier une économie encore trop dépendante d’un pastoralisme vulnérable.
La crise actuelle transforme ainsi la question de la reconnaissance en test pour la communauté internationale : soutenir un modèle de gouvernance relativement démocratique et stable dans la Corne de l’Afrique, ou laisser ce modèle s’effondrer sous le poids d’une sécheresse que le territoire aurait pu mieux affronter avec un accès normal aux mécanismes d’aide et de financement.



