Plaidoyer pour un peu plus d’agropastoralisme en Afrique


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Michel Foko
Michel Foko

Il y a la mauvaise communication sur l’agriculture qui nous met mal. Le principal stéréotype véhiculé est de faire croire aux gens que les agriculteurs en Afrique sont tous pauvres ou que l’agriculture ne nourrit pas son homme. Nous devons donc rigoureusement combattre ce stéréotype, et mettre en place des outils efficaces pour ré-intéresser les gens à la pratique agricole et à l’élevage.

Apprendre aux personnes comment bien aménager la surface à travailler. Amener les agriculteurs à se regrouper autour des coopératives agricoles, pour leur donner les moyens de s’entraider. Les aider à bien sélectionner les semences. Participer à l’achat et même à la formation sur comment fabriquer soi-même ses outils de travail…

Je pense fermement qu’avec l’adoption de pratiques agropastorales, par le plus grand nombre de nos concitoyens, l’Afrique gagnerait à préserver sa liberté de pensée et de décision, dans le monde. Par leurs fonctionnements, les États sont des monstres froids, cyniques. On ne parle que d’intérêts. Les dons ne sont jamais vraiment gratuits, ils s’accompagnent tous de conditions d’éligibilité. Il ne faut jamais oublier que celui qui te nourrit, te commande. C’est comme ça, on ne peut rien y faire. Si tu n’exécutes pas ce qu’il t’ordonne de faire, il coupe le robinet et te laisse crever de faim. Voilà donc la réalité du monde dans lequel nous vivons.

Comment se nourrir est un sujet majeur, qui ne se posera pas uniquement en Afrique. Il se fera ressentir avec beaucoup plus d’insistance dans les années à venir. Les gouvernants de chaque pays du monde doivent réfléchir, et ceci de manière prompte et efficace, à comment prévenir ces situations, pour ne pas se laisser surprendre, le moment venu. Nous sommes en Afrique avec déjà plus d’un milliard d’êtres humains, qu’il va bien falloir nourrir, pour maintenir la paix, et éviter les conflits.

Car il se posera vraisemblablement la question du riche et du pauvre. De celui qui achète, parce qu’il a les moyens, et de l’autre, qui ne pourra pas, par manque de sou. Il est de savoir comment faire pour redonner à chacun les outils pour une autonomie alimentaire. Mais pas que. Au lieu de s’intoxiquer avec l’emploi des engrais chimiques, on pourrait enseigner aux gens comment on obtient soi-même de l’engrais pur avec les excréments d’animaux (poule, chèvre, etc.)

Relancer la paysannerie écologique contribuerait grandement à garder au plus haut niveau la santé des populations. Car ce que nous mangeons est déterminant pour notre bon état de santé. Il est urgent, et c’est un vrai sujet de santé publique, de mettre en place des mécanismes pour préserver les nôtres. Il s’agit ici de réduire considérablement la part de la chimie dans notre alimentation. De contrôler ce que nous mettons dans nos plats. Et c’est une question fondamentale.

Elle doit être prise au sérieux, à bras-le-corps. Ce n’est pas le sujet d’un seul homme ou d’un seul parti politique, qu’il soit du pouvoir ou de l’opposition. C’est quelque chose de gravissime qui nous concerne tous. Qui devrait normalement rassembler tout le monde sur une même table, pour faire bloc…

Je vous invite par exemple à faire un tour dans le milieu agricole, et de constater, par vous-même, les pratiques qui s’y font. Très souvent, vous verrez comment on brûle les champs, à tout va. Ce qui produit comme résultat le massacre des animaux, brûlés vifs, l’appauvrissement des sols, et de sévères réprimandes entre voisins, puisque très souvent le feu déborde pour aller brûler les parcelles des autres…

Je vous invite aussi à observer les gens, et leurs outils. Vous verrez probablement des personnes qui travaillent torse nu, avec un petit short, et qui manipulent les herbicides à tout va. Des femmes qui pulvérisent des fongicides avec des bébés attachés au dos, et ceci sans protection aucune. Vous verrez très certainement qu’il y a un nombre impressionnant de pesticides sans manuel d’utilisation. Et lorsque, très rarement, vous trouverez une notice, elle est écrite en anglais, pour la plupart, pour une population francophone, rurale, ayant déjà une sévère lacune en langue française. Je ne sais pas si vous imaginez l’horreur de cette scène. Je parle ici des choses que je vois de mes yeux, tous le temps, en Afrique. Ce n’est pas de la fiction. Nous sommes dans le réel, et ça donne froid au dos. Si seulement ces gens pouvaient savoir qu’ils sont en train de s’intoxiquer, de s’exposer à l’infertilité, aux cancers, etc.

La population rurale est en forte diminution, l’exode a le vent en poupe, et ce n’est pas une interprétation romanesque, elle est une réalité concrète. On part tous vivre en ville, on devient tous des citadins, aux chômages, très souvent. Il n’y a pas assez d’espace pour pratiquer l’agrobiologie, en ville, et même s’il y en avait, peu de gens s’y intéresseraient.
L’agropastoralisme, en Afrique, est une technique animiste, ancestrale. Depuis la nuit des temps, quels que soient les peuples, nous avons toujours associé les animaux à l’agriculture. L’air colonial, suivi par le Nouveau-Monde, a grandement participé à nous éloigner de cet acquis, alors que c’est une pratique reconnue aujourd’hui comme étant écologique, et même salvatrice pour nos terres…

Maintenant, plus qu’hier, pour ne pas se faire avaler par la mondialisation, les peuples qui veulent survivre doivent intégrer ce Tout-Monde en apportant leur part, c’est-à-dire en préservant leurs singularités… Il est donc tout naturel, pour moi, de parler de cette thématique agricole sans me sentir loin de mon domaine de prédilection…

N’oublions pas ceux qui n’ont rien, quittons les grands discours, creux et sans efficacité, et retournons aux bases. Encourageons les plus pauvres, les plus faibles, aidons-les à mettre sur pied une technique agropastorale, écologique, pour lutter contre la pauvreté et contribuer à gagner l’autonomie alimentaire pour tous…

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