
À Kinshasa, la Haute Cour militaire doit rendre ce vendredi 12 septembre son verdict dans le procès historique visant l’ancien présiden,t Joseph Kabila Kabange. Jugé par contumace, l’ex-chef de l’État encourt la peine capitale et la confiscation de ses biens. Ce procès, inédit en RDC, mêle accusations de trahison, collusion avec les rebelles du M23/AFC et contestation de son identité congolaise, dans un climat politique explosif.
Le procès de l’ancien Président congolais, Joseph Kabila, tire à sa fin. Ce vendredi, la Haute Cour militaire livrera son verdict dans ce procès unique en son genre en RDC et marqué par l’absence de l’accusé.
Un procès par contumace
Ouvert le 25 juillet dernier, le procès de Joseph Kabila s’est rapidement imposé comme l’un des plus sensibles de l’histoire politique congolaise. Absent des audiences, l’ancien Président (2001-2019) est jugé par défaut pour des infractions d’une extrême gravité : trahison, complot, participation à un mouvement insurrectionnel, apologie du terrorisme, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Le 22 août, le ministère public a requis la peine de mort à son encontre, assortie de son arrestation immédiate, de la mise sous séquestre de ses biens et de lourdes condamnations financières. Le procureur militaire, Jean-René Likulia Bakulia, a présenté Joseph Kabila comme « l’auteur intellectuel » des exactions commises par le M23/AFC dans l’est du pays. Selon l’accusation, il aurait apporté un soutien politique et logistique aux rebelles, allant jusqu’à qualifier leur lutte de porteuse « des aspirations du peuple congolais ».
Parmi les pièces retenues par l’accusation figure notamment le témoignage d’Éric Nkuba, déjà condamné à mort, qui affirme que Kabila coordonnait directement certaines opérations rebelles.
L’identité de Kabila remise en cause
Le procès a pris une tournure inattendue le 21 août, lorsque les avocats des parties civiles ont contesté la nationalité de l’ancien chef de l’État. Selon eux, Joseph Kabila ne serait pas congolais mais rwandais, portant à l’origine le nom d’Hyppolite Kanambe, adopté par Laurent-Désiré Kabila, son père officiel assassiné en 2001.
Si la Cour retenait cette thèse, l’accusation de trahison ne pourrait s’appliquer, car réservée aux citoyens congolais. Les avocats réclament donc une requalification en « espionnage », un crime attribuable à un étranger agissant contre la République. Cette mise en cause de l’identité du dirigeant qui a gouverné la RDC pendant dix-huit ans avait déclenché une vive polémique. Pour Néhémie Mwilanya, ancien directeur de cabinet de Kabila, « manipuler l’identité d’un ancien chef d’État, fils d’un héros national, dont la famille est bien connue, est un crime d’État ». Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), fondé par Kabila, avait alors dénoncé une « mise en scène » visant à écarter un opposant influent.
Des réparations colossales réclamées
Au volet civil, les parties civiles réclament des réparations estimées à près de 50 milliards de dollars. Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu demandent à elles seules 21,7 milliards USD pour les pertes humaines, matérielles et économiques imputées aux actions du M23. Les avocats du gouvernement réclament de leur côté environ 25 milliards USD et la saisie des avoirs bancaires de l’ancien président.
Ces sommes colossales sont, selon ceux qui les exigent, justifiées par l’ampleur des destructions : massacres de civils, déplacements massifs de populations, pillages de ressources naturelles, pertes fiscales et destruction d’infrastructures.
Un verdict à haut risque politique
Au-delà du plan judiciaire, ce procès cristallise les clivages politiques en RDC. Les proches de Kabila dénoncent une instrumentalisation du système judiciaire par le Président Félix Tshisekedi pour neutraliser un rival politique toujours influent. Le PPRD a qualifié l’affaire de « procès de la honte », affirmant que la cohésion nationale est menacée par cette « chasse aux sorcières ».
Pour les observateurs, le verdict attendu ce 12 septembre sera déterminant. S’il confirme la lourde réquisition du ministère public, il pourrait marquer une rupture sans précédent dans l’histoire politique congolaise : jamais un ancien Président n’a fait l’objet d’une condamnation à mort dans le pays. Il est vrai qu’à part Joseph Kasa-Vubu qui a cohabité pendant quelques années avec son tombeur Mobutu Sese Seko, au Zaïre – ancien nom de la RDC –, il n’y a eu que Joseph Kabila qui ait cohabité avec son successeur. En 1997, Mobutu Sese Seko avait fui le pays au moment où les forces de Laurent-Désiré Kabila s’imposaient. Assassiné en fonction, Kabila n’a pas vu son successeur qui n’est personne d’autre que son fils Joseph. Dans tous les cas, une condamnation de Kabila risque d’exacerber les tensions politiques, identitaires et régionales, dans une RDC déjà fragilisée par le conflit armé à l’Est.