
Un rapport explosif de la Cour des comptes congolaise met à nu les failles du secteur minier. Entre 2018 et 2023, les compagnies opérant en RDC auraient sous-déclaré près de 16,8 milliards de dollars de revenus, privant l’État et les communautés locales de fonds cruciaux pour le développement. Les géants du cuivre et du cobalt, dont Glencore, CMOC et Ivanhoe, figurent parmi les principaux mis en cause. Kinshasa promet des poursuites, tandis que la société civile réclame une redistribution directe des recettes minières aux populations.
Un audit de la Cour des comptes congolaise vient d’ébranler le secteur minier de la République démocratique du Congo (RDC). Selon ce rapport, consulté par Reuters, les entreprises opérant dans le pays auraient sous-déclaré 16,8 milliards de dollars de revenus entre 2018 et 2023. Cette dissimulation aurait privé l’État congolais et les communautés locales de dizaines de millions de dollars destinés au développement social, dans un pays pourtant riche en minerais mais où la population demeure l’une des plus pauvres du monde.
Des milliards qui échappent aux communautés minières
Le code minier congolais, révisé en 2018, impose aux compagnies minières de verser 0,3 % de leur chiffre d’affaires à des fonds de développement communautaire. Ces fonds servent à financer des projets locaux, écoles, cliniques, accès à l’eau, dans les zones minières.
Pourtant, l’audit de la Cour des comptes montre un écart préoccupant : les sociétés ont déclaré 81,4 milliards de dollars aux fonds de développement, contre 98,2 milliards aux autorités fiscales. Résultat : plus de 50 millions de dollars manquent à l’appel.
Parmi les géants mis en cause figurent TFM (CMOC), Kamoto Copper (Glencore), Kamoa-Kakula (Ivanhoe), SICOMINES, Metakol du groupe Eurasian Resources et Ruashi Mining. À eux seuls, ces acteurs majeurs auraient sous-déclaré près de 10 milliards de dollars.
Les compagnies minières se défendent, l’État menace des sanctions
Face à ces révélations, certaines entreprises ont réagi. Le groupe suisse Glencore, par exemple, affirme que sa filiale Kamoto Copper a pleinement respecté ses obligations, soulignant que les écarts proviennent de « divergences d’interprétation » sur la date d’entrée en vigueur du code minier de 2018.
D’autres acteurs, comme CMOC ou Ivanhoe, n’ont pas répondu aux sollicitations.
Le procureur général Jean Chris Mubanga Musuyu a dénoncé le non-respect massif de la réglementation par près de 70 % des entreprises. Il a appelé à des poursuites judiciaires et à la suspension des sociétés fautives, tandis que la Cour des comptes recommande un renforcement des audits et de la surveillance du secteur.
Des richesses minières, une pauvreté persistante
La RDC est l’un des premiers producteurs mondiaux de cuivre et de cobalt, deux minerais essentiels à la fabrication des batteries et à la transition énergétique mondiale. Elle possède également d’importantes réserves de lithium, d’uranium et d’or.
Mais malgré cette abondance, le revenu annuel moyen y plafonne à 580 dollars par habitant. Les zones minières de l’Est sont par ailleurs dévastées par les conflits armés, notamment face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
Face à cette situation, les ONG congolaises appellent à une refonte du système de redistribution minière. Pour Emmanuel Umpula Nkumba, directeur d’AFREWATCH à Lubumbashi, il est urgent que la taxe de 0,3 % soit directement versée aux communautés locales, sans passer par la bureaucratie centrale.
Pour la société civile, il ne s’agit pas seulement de récupérer les fonds perdus, mais de rétablir la confiance entre les populations et un secteur souvent perçu comme opaque. Car tant que la richesse minière ne profitera pas aux Congolais, le fossé entre les minerais et le bien-être national continuera de se creuser.