République Démocratique du Congo : quand les avancées diplomatiques se heurtent à la réalité du terrain


Lecture 5 min.
Bunia, chef-lieu de la province de l'itur
La ville de Bunia, chef-lieu de la province de l'ituri

Dans l’est de la RDC, la multiplication des groupes armés alimente un cycle de violence meurtrier. Malgré les accords diplomatiques signés en 2025, la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keïta, dresse un constat alarmant devant le Conseil de sécurité : l’écart entre les annonces et la réalité du terrain ne cesse de se creuser, plongeant des millions de Congolais dans une crise humanitaire sans précédent.

Dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, la prolifération des groupes armés alimente un cycle sans fin de violence qui enfonce la République Démocratique du Congo (RDC) dans la tourmente. La multiplication des affrontements et les massacres répétitifs de civils, pris au piège entre deux feux, ont fait exploser le nombre de personnes tuées depuis le mois de juin.

C’est le constat qu’a dressé Bintou Keïta, cheffe de la mission de paix de l’ONU (MONUSCO) déployée en RDC. « La paix en République démocratique du Congo demeure encore largement une promesse », a-t-elle déclaré devant le Conseil de sécurité, dénonçant « l’écart persistant » entre les annonces diplomatiques et la réalité sur le terrain.

Le conflit semble enraciné dans l’est de la RDC, un géant d’Afrique centrale riche en minerais qui recèle certaines des plus grandes réserves mondiales de cobalt, d’or et de coltan. Une richesse qui fait sa malédiction et accroît depuis des années déjà la convoitise de groupes armés et de puissances voisines, dont le Rwanda, accusé de soutenir militairement le Mouvement du 23 mars (M23).

Le M23, une offensive éclair aux conséquences dévastatrices

Formé de combattants tutsis congolais, le M23 est très actif dans la région de l’est du Congo depuis plusieurs décennies. Mais depuis le mois de janvier, à la faveur d’une offensive éclair, il a conquis de vastes zones du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, dont Goma et Bukavu, les deux principales villes de cette partie du pays. Sur ces territoires sous son contrôle, le groupe a mis en place une administration parallèle, remplaçant l’État congolais.

Pourtant, des tentatives diplomatiques ont été faites et sont en cours pour trouver une solution définitive à cette situation. Un accord avait d’ailleurs été signé en juin à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis et du Qatar. À Doha, des discussions distinctes ont abouti en juillet dernier à une déclaration de principe entre Kinshasa et le M23.

Mais sept mois après l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution exigeant le retrait du M23 de Goma et de Bukavu, « les dispositions essentielles demeurent largement inappliquées », s’est insurgée la cheffe de la MONUSCO.

Une mosaïque de groupes armés sème la terreur

Le M23 n’est qu’une partie de l’iceberg posant problème en RDC. En Ituri, les Forces démocratiques alliées (ADF), d’origine ougandaise et liées à l’État islamique, multiplient les massacres, ciblant « les offices religieux et les funérailles ». Plus de 300 civils ont été tués au cours des trois derniers mois.

D’autres milices sévissent aussi en Ituri. La CODECO, issue de la communauté Lendu, multiplie les attaques contre les Hema, tandis que le groupe Zaïre, d’obédience Hema, multiplie les représailles. La Convention pour la Révolution Populaire (CRP), de son côté, affronte régulièrement l’armée régulière de Kinshasa.

« Les civils, malheureusement, sont pris au piège », a tenu à insister Bintou Keïta. À Gina, une localité de l’Ituri, 3 500 personnes se sont réfugiées en une seule nuit dans la base de la MONUSCO après des affrontements entre la CRP et les forces de sécurité congolaises.

Au Sud-Kivu, où la MONUSCO s’est retirée en 2024, les violations graves persistent. Outre les exactions du M23 sur les territoires dont ils ont désormais le contrôle, les Wazalendo, des groupes d’autodéfense alliés au gouvernement congolais, continuent, selon l’envoyée de l’ONU, « d’agir en toute impunité ».

Une mission onusienne paralysée

La MONUSCO a été déployée en RDC depuis 1999 et compte aujourd’hui 9 000 soldats de la paix. Mais son action est de plus en plus entravée par des contraintes financières : les rotations de contingents sont bloquées, l’approvisionnement en carburant et en nourriture retardé, et l’aéroport de Goma demeure fermé.

« Dans ces conditions, la MONUSCO ne peut assurer pleinement le mandat de protection confié par ce Conseil », s’est alarmée la cheffe de la mission onusienne.

Cette paralysie qui entrave fortement l’action onusienne se trouve doublée d’une crise humanitaire de grande ampleur. Plus de 27 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, dont près de 6 millions rien qu’en Ituri et au Nord-Kivu. Sans oublier la nouvelle épidémie d’Ebola dans le Kasaï, une région centrale du pays, qui vient accentuer la détresse et le tourment des populations et de la mission onusienne. Le plan humanitaire en RDC n’est financé qu’à hauteur de 15 %.

Un appel urgent du Conseil de sécurité

Pour terminer son propos, Bintou Keïta a lancé un avertissement direct aux membres du Conseil face au décalage croissant entre les résolutions adoptées à New York et la réalité du terrain : « Les nombreux écarts que j’ai décrits aujourd’hui affectent directement la population. Les combler n’est pas une option : c’est la seule voie pour sauver des vies et donner une chance à la paix ».

Avatar photo
LIRE LA BIO
Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News