Massacres à l’Est de la RDC : la CENCO appelle à un sursaut collectif face à la banalisation de l’horreur


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Les membres de la CENCO
Les membres de la CENCO

Alors que les violences s’intensifient à l’Est de la RDC, l’indignation semble céder le pas à l’accoutumance. Chaque semaine, des dizaines de civils perdent la vie dans une indifférence grandissante, malgré la présence de forces nationales et étrangères. Face à cette tragédie persistante, la Conférence épiscopale nationale du Congo tire la sonnette d’alarme et appelle à un sursaut collectif. À travers une prise de position forte, elle interpelle autorités, acteurs armés et société civile, exigeant une réponse urgente, éthique et humaine à un conflit qui s’enlise et s’aggrave.

La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a de nouveau élevé la voix face à l’escalade des violences qui ravagent l’est de la République démocratique du Congo (RDC). À la suite des récents massacres perpétrés au Nord-Kivu par les rebelles de l’ADF et en Ituri par les miliciens de la CODECO, les évêques catholiques congolais tirent la sonnette d’alarme : plus de 100 civils ont été tués en une seule semaine, malgré la présence de l’armée congolaise et des forces ougandaises.

Une « banalisation des tueries

Pour la CENCO, il ne s’agit plus seulement d’un conflit armé, mais d’une tragédie humaine dont l’ampleur est désormais accueillie avec une indifférence inquiétante. « Nous semblons être dépassés. À l’allure où vont les choses, on commence à trouver normal qu’il y ait des morts chaque jour », a déploré Mgr Donatien N’shole, secrétaire général de la conférence.

Face à cette « banalisation des tueries », la CENCO appelle à une mobilisation urgente des autorités, des forces armées et de toutes les parties impliquées dans le conflit. L’institution religieuse propose un pacte social basé sur une vision éthique et humaine de la paix, en rupture avec les logiques de guerre. Elle insiste : seule une volonté sincère de dialogue et de réconciliation pourra sortir le pays de ce cycle meurtrier.

Une situation sécuritaire en pleine dégradation

Au même moment, le territoire de Masisi (Nord-Kivu) a connu une flambée de violence sans précédent. Le 7 septembre, les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) ont pris le contrôle de huit localités après de violents affrontements avec les milices Wazalendo, alliées à l’armée congolaise. Les localités de Mafuo, Biholo, Shoa, Bwambaliro ou encore Busoro sont tombées aux mains des rebelles, forçant des milliers de civils à fuir leurs maisons.

Cette avancée rebelle est un nouveau revers pour le processus de paix engagé avec peine ces derniers mois. Malgré la Déclaration de principes signée à Doha en juillet, et l’accord de Washington visant à faire taire les armes, les hostilités se poursuivent, mettant en lumière la fragilité des accords et la défiance des groupes armés à l’égard de la communauté internationale. Selon les autorités congolaises, le Rwanda continue de soutenir militairement le M23, ce que Kigali nie fermement.

Un conflit enraciné dans des intérêts économiques

Cette implication présumée alimente des tensions régionales et donne une dimension géopolitique à ce conflit, dont les enjeux dépassent largement les frontières de la RDC. Au-delà de l’aspect militaire, la région de Masisi attire aussi en raison de ses richesses minières : or, tantale, cobalt. Ces ressources stratégiques nourrissent la guerre et renforcent la concurrence entre groupes armés, avec l’appui de réseaux transfrontaliers. Le contrôle de ces mines est devenu un enjeu économique majeur, et empêche toute tentative de stabilisation durable. Tant que les bénéfices tirés de cette économie de guerre ne seront pas démantelés, la violence risque de perdurer.

Dans ce climat de tension extrême, le pouvoir congolais est aussi secoué par le procès très médiatisé de l’ancien président Joseph Kabila, accusé de trahison, d’espionnage et de soutien au M23. Bien qu’absent et jugé par contumace, l’ancien chef d’État fait face à des accusations graves, notamment sur le financement présumé du M23 via des réseaux rwandais. Ce procès, boudé par le camp Kabila, est jugé par certains comme une manœuvre politique visant à écarter un rival encore influent. Pour ses partisans, il ne s’agit pas d’une démarche judiciaire impartiale, mais d’un outil de règlement de comptes entre clans politiques.

Un appel à la conscience collective

Dans ce contexte troublé, la voix de la CENCO résonne comme un dernier rempart moral face à la désintégration du tissu social congolais. Elle lance un appel au dialogue, à la justice et à la protection des civils. « Nous voulons la paix, et cela ne passera pas par plus de sang versé », a conclu Mgr N’shole. Alors que l’Est du pays s’enfonce dans le chaos, la CENCO invite la nation à se réveiller, à refuser l’indifférence, et à se mobiliser pour un avenir où la vie humaine retrouve enfin sa valeur.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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