
Les responsables des principales confessions chrétiennes ont présenté au Président Félix-Antoine Tshisekedi, samedi 21 juin 2025, les conclusions d’une vaste initiative de consultations nationales et internationales pour la paix. L’Église catholique, à travers la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), et l’Église protestante, via l’Église du Christ au Congo (ECC), entendent ainsi jouer un rôle d’intermédiation dans une période charnière pour l’unité nationale.
Après plusieurs semaines de pourparlers avec des personnalités et des groupes divers tant au plan national qu’à l’étranger, dans le cadre du pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans la sous-région des Grands Lacs qu’ils ont initié, les responsables de la CENCO et de l’ECC sont allés rendre compte au premier des Congolais.
Un dialogue de deux heures à la Cité de l’Union africaine
La rencontre s’est déroulée à la Cité de l’Union africaine, siège de la Présidence congolaise, et a duré près de deux heures. Autour du Président Tshisekedi, se sont retrouvés Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Cenco, le pasteur André Bokondoa, président de l’ECC, et le pasteur Éric Nsenga, secrétaire général de l’ECC.
« Le Chef de l’État a été réceptif, il a pris le temps de nous écouter, et nous l’avons aussi écouté », a déclaré Mgr Nshole à l’issue de l’audience, visiblement satisfait du climat d’échange. Il a salué la décision du Président de mettre en place une équipe conjointe pour poursuivre les discussions avec les églises, en vue de concrétiser leur proposition de Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans la sous-région des Grands Lacs.
Une initiative œcuménique face à une crise nationale
Depuis février 2025, les deux églises ont mené un vaste processus de consultation, tant sur le territoire congolais qu’à l’étranger. Cette démarche visait à sonder les leaders politiques, les communautés locales, les partenaires diplomatiques et plusieurs chefs d’État africains, dans le but de construire un socle de consensus pour sortir de l’impasse sécuritaire et politique.
Leur projet repose sur deux axes :
- Un pacte social national fondé sur les valeurs de justice, de solidarité et de dialogue.
- Une dynamique inclusive mobilisant les forces vives de la nation, au-delà des clivages partisans et ethniques.
L’initiative survient dans un climat tendu, marqué par la poursuite des violences dans l’est du pays, où les groupes rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, contrôlent plusieurs localités. Les églises affirment avoir intensifié les contacts diplomatiques pour sensibiliser la communauté internationale à cette agression territoriale, notamment auprès de l’Union africaine, du Vatican, et d’églises partenaires en Europe et en Amérique.
Méfiance du pouvoir, soutien de l’opposition
Alors que la démarche religieuse se veut consensuelle, elle n’est pas exempte de tensions politiques. Le gouvernement, engagé dans ses propres consultations pour former un gouvernement d’union nationale, a toujours regardé avec une certaine réserve l’initiative ecclésiale, parfois perçue comme une tentative d’ingérence dans le champ politique.
Cependant, du côté de l’opposition, des figures comme Martin Fayulu ont salué cette initiative, la présentant comme une alternative crédible à la gestion solitaire du pouvoir en place. Tout récemment, l’ancien candidat à la Présidentielle, reçu par Félix Tshisekedi, a appelé à la création d’un « camp de la patrie » pour faire front commun contre l’agression extérieure et les dérives internes du régime.
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Un défi de coordination nationale
Le succès de cette initiative dépendra largement de la capacité des deux églises à fédérer un large spectre d’acteurs : partis politiques, société civile, mouvements de jeunesse, diaspora et acteurs sécuritaires. Selon le pasteur Éric Nsenga, le pacte vise « une refondation morale et sociale » du vivre-ensemble congolais, condition indispensable pour stabiliser durablement le pays.
Mais la concrétisation d’un tel projet nécessitera un cadre institutionnel clair, un appui politique et international, ainsi qu’une ouverture sincère des autorités aux contributions extérieures, dans un pays où les tensions entre pouvoir et église sont récurrentes depuis l’époque de Joseph Kabila.
Une église toujours en première ligne
Historiquement, les églises catholique et protestante jouent un rôle structurant dans la vie politique et sociale congolaise. Observateurs électoraux, médiateurs lors de crises, pourvoyeurs de services sociaux de base… leur légitimité populaire reste forte, y compris dans les zones rurales et les régions en conflit.
Le Président Félix Tshisekedi semble avoir compris l’importance de ce canal d’influence. En acceptant une commission conjointe de suivi, il ouvre une fenêtre de dialogue, même si les contours de cette collaboration restent, pour le moment, flous. Les jours à venir permettront d’en savoir davantage.