Quand la crise à l’Est de la RDC s’invite à la CAN


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Les Léopards de la RDC
Les Léopards de la RDC

Les combats font rage à l’Est de la RDC entre les rebelles du M23, les Wazalendo et les FARDC. La violence singulière des affrontements de ces derniers jours a amené les Léopards de la RDC, qualifiés pour les demi-finales de la CAN, à poser des actes pour attirer l’attention sur cette guerre qui semble se dérouler loin du monde.

Depuis des années, les populations de l’Est de la RDC, particulièrement celles vivant dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, sont à la merci de dizaines de groupes rebelles armés. Exécutions de civils, pillages, déplacements massifs, voilà à quoi se résume le quotidien de ces populations, depuis des années. La situation est devenue beaucoup plus complexe, depuis la résurrection, en 2021, du M23, un groupe rebelle tutsi qui bénéficierait du soutien du Rwanda de Paul Kagame.

La guerre qui se déroule loin du monde

Depuis 2021, l’armée congolaise se débat vaille que vaille face au M23. L’intervention de la force de l’EAC sollicitée pour venir en appui aux FARDC n’a eu aucun résultat concluant, le contingent s’étant interdit toute action offensive à l’encontre du M23. Tant et si bien que la RDC a fini par remercier la force de l’EAC et demander en remplacement la force de la SADC dont l’efficacité est désormais attendue. Mais, le constat qui s’impose à tout observateur de la situation à l’Est de la RDC, c’est que la communauté africaine et internationale ne fait presque rien pour une résolution de la crise. On a vu dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne une délégation de chefs d’État africains faire un déplacement chez les belligérants pour, dit-on, négocier la paix. Le résultat de cette mission n’est un secret pour personne.

On a vu tout récemment l’Afrique du Sud saisir la Cour internationale de justice dans le cadre du conflit qui oppose Israël au Hamas, depuis le mois d’octobre. Mais, que font réellement les États africains voisins ou non de la RDC pour éteindre le feu qui brûle l’Est de ce pays, depuis au moins une décennie ? Quelles actions concrètes sont menées par l’UA, la CEEAC et autres pour régler une situation qui dure et perdure ? On a vu des sommets, des rencontres se tenir pour discuter du problème. Mais, pour quels résultats tangibles ?

En sortant du cadre africain, on voit surtout les États-Unis poser des actes. Là encore, les actes posés sont très mesurés. En témoignent ces propos tenus, mardi, par le porte-parole du gouvernement congolais, à l’occasion d’un point de presse : « Il est nécessaire d’utiliser davantage de leviers, car il est (aisé) de constater que malgré le soutien des États-Unis, la situation ne s’améliore pas significativement. Les mesures prises jusqu’à présent ne semblent pas être à la hauteur du drame que nous vivons ni des moyens dont disposent ces pays. Nous recevons des communications de l’ambassade, mais cela ne suffit pas ». La situation à l’Est de la RDC semble ne préoccuper sérieusement personne. Comme si la RDC ne faisait pas partie du monde.

Les Léopards agissent

Face à l’horreur qui se déroule à l’Est de leur pays au vu et au su du monde entier, les Léopards, l’équipe nationale de football de la RDC, qualifiés pour les demi-finales de la CAN, ont décidé d’en faire une occasion pour attirer davantage l’attention sur le drame qui se joue dans leur pays.

Dans un communiqué rendu public, ce mardi, la Fédération congolaise de football association (FECOFA) a annoncé que l’équipe nationale « portera un fin brassard noir sur le bras droit » lors du très attendu match avec la Côte d’Ivoire prévu pour ce mercredi. « La RD CONGO est endeuillée, ces dernières 48 heures, par des atrocités commises sur la population de l’Est de notre pays par les rebelles du M23 », explique le communiqué. C’est donc pour manifester le deuil et traduire leur solidarité vis-à-vis des victimes que la FECOFA a pris cette décision dont elle a informé les instances supérieures du football africain.

À travers des messages personnels postés sur les réseaux sociaux, les joueurs de l’équipe nationale ont exprimé leur ressenti sur la situation que vit leur pays. « Tout le monde voit les massacres à l’Est du Congo. Mais tout le monde se tait », se désole Cédric Bakambu. Avant de lancer une exhortation : « Mettez la même énergie que vous mettez pour parler de la CAN pour mettre en avant ce qui se passe chez nous. Il n’y a pas de petits gestes ». Et son coéquipier Joris Kayembe de venir en soutien : « Profitons de la lumière sur le pays pour toujours continuer à mettre la lumière sur toutes les atrocités et tristes événements qui se déroulent dans notre très cher pays, la RDC. Trop, c’est trop. Nous n’oublions rien ni personne, nous sommes vraiment avec vous ».

Le match de la demi-finale dédié aux victimes de l’Est de la RDC

A l’instar de la FECOFA et de l’équipe nationale, le coach Sébastien Desabre n’a pas voulu rester en marge de la tendance générale. Ce mardi, le sélectionneur français des Léopards a même dédié ce match très important aux populations de l’Est de la RDC. « Nous voulons jouer la finale. On va essayer de donner le maximum, de faire un bon match et défendre les couleurs du Congo pour que ceux qui souffrent soient fiers de nous. En étant une équipe nationale au Congo, on a cette occasion de donner de la joie et du sourire. Ça sera un match particulier parce que c’est une demi-finale. Un match particulier pour faire passer des messages d’attachement et de pensée à tous ceux qui souffrent au Congo », a déclaré Sébastien Desabre.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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