
Depuis le Vatican, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, a lancé une charge frontale contre l’accord de paix conclu le 27 juin à Washington entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous médiation américaine. À ses yeux, cet accord ne constitue qu’une « fausse solution », calquée sur un schéma déjà tenté – qui a échoué – en Ukraine, et qui ne tient aucun compte des réalités vécues par les populations de l’est congolais, victimes de décennies de guerre.
On le connaît pour ne pas avoir sa langue dans sa poche. Le cardinal Fridolin Ambongo, jusque-là silencieux depuis la signature, tambour battant, de l’accord de Washington, le 27 juin 2025, a fini par se prononcer. Le prélat n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer cet accord.
Un accord sous influence, dénoncé comme un marché de dupes
S’exprimant lors d’une conférence de presse au Vatican en marge de la présentation du document préparatoire des églises d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine en vue de la COP30, le cardinal Ambongo n’a pas mâché ses mots : « Vous êtes en guerre entre vous, et la cause de la guerre, ce sont les minéraux. Moi, le grand Trump, j’arrive, je vous réconcilie, et vous me donnez les minéraux », ironise l’archevêque.
Faisant référence à la logique transactionnelle qui semble sous-tendre l’accord, Fridolin Ambongo déplore une diplomatie basée sur l’exploitation des ressources stratégiques au détriment des populations locales : « Alors que nos communautés restent privées d’eau potable, la course aux minerais stratégiques est aujourd’hui à l’origine de la prolifération des groupes armés ».
Il voit dans l’attitude de la communauté internationale, et en particulier des États-Unis, une répétition des erreurs commises ailleurs, comme en Ukraine : « Trump a tenté cette solution en Ukraine. Ça n’a pas marché. Chez nous, tout le monde court, tout le monde a peur de Trump. C’en est assez », lâche le prélat, visiblement outré.
Un accord controversé, un silence pesant sur le M23
L’accord signé à Washington par les ministres des Affaires étrangères rwandais et congolais – en attendant sa ratification formelle par Félix Tshisekedi et Paul Kagame à la Maison Blanche dans les prochains jours – continue de susciter la controverse. Il met l’accent sur la neutralisation des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un groupe armé à dominante hutu, sans aborder la question du M23, pourtant reconnu par l’ONU comme responsable de nombreuses exactions à l’est du Congo et soutenu activement par Kigali.
Ce déséquilibre alimente la méfiance de nombreux Congolais, qui demandent que Washington contraigne également le Rwanda à cesser son soutien aux groupes armés opérant sur le sol congolais.
Une Église catholique engagée, mais marginalisée
Le cardinal Ambongo, figure morale influente au sein de la société congolaise, s’est aussi exprimé au nom de l’Église catholique, qui porte depuis plusieurs semaines une initiative pour la paix en RDC aux côtés de l’Église du Christ au Congo (ECC). Malgré sa posture constructive, cette nouvelle sortie pourrait bousculer le fragile processus diplomatique initié à Washington.
Alors que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) avait salué prudemment l’initiative américaine, la position plus tranchée de Fridolin Ambongo révèle des tensions internes et un malaise persistant quant à la manière dont les solutions sont imposées de l’extérieur, sans consultation véritable des forces vives congolaises.
Vers une paix durable ou une pacification imposée ?
Avec sept millions de morts en trois décennies, la guerre dans l’est de la RDC reste l’un des conflits les plus meurtriers au monde. Le pari de Donald Trump, qui se félicite d’avoir « résolu un problème de 30 ans » et espère recevoir les Présidents congolais et rwandais pour sceller officiellement l’accord, apparaît aux yeux du cardinal Ambongo comme une simplification dangereuse d’une réalité complexe. « C’en est assez de décisions prises sans écouter ceux qui vivent en insécurité », conclut-il.
Reste à savoir si cette voix écoutée par une grande partie de la population congolaise, pèsera suffisamment pour réorienter une dynamique diplomatique largement dominée par des enjeux géopolitiques et économiques, loin des villages meurtris du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.