Une délégation de six chefs d’État africains pour ramener la paix en Ukraine… pendant que le Soudan brûle


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Macky Sall et Vladimir Poutine
les Présidents Macky Sall et Vladimir Poutine

Une forte délégation de chefs d’État africain en passe d’aller négocier la paix entre la Russie et l’Ukraine. Un bon acte, certes, mais que les dirigeants gagneraient à poser sur leur propre continent en souffrance.

« Quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne », dit un proverbe africain. Conscient de la sagesse de ces propos, on comprend la démarche africaine en cours de préparation à l’égard de la Russie et de l’Ukraine. L’annonce a été faite, mardi, par le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui a précisé que cinq homologues africains et lui – les Présidents de la Zambie, du Sénégal, du Congo-Brazzaville, de l’Ouganda et de l’Égypte – se rendront à Kiev et à Moscou pour négocier la paix avec Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine.

La démarche est fort louable. Puisque même si elle se déroule à des milliers de kilomètres de l’Afrique, la guerre russo-ukrainienne impacte gravement le continent. L’inflation est devenue intenable dans les pays africains. Le pouvoir d’achat des populations s’en trouve fortement érodé. Cet état de choses est venu aggraver une situation déjà installée par la pandémie de Covid-19. Dans ces conditions, l’Afrique a fort à gagner à voir le conflit s’achever. Toutes les actions dans ce sens doivent être encouragées. Voler à la rescousse du voisin dont la case brûle.

Laisser brûler sa propre case pour sauver celle du voisin

Mais lorsqu’on laisse sa propre case brûler pour aller tenter d’éteindre le feu qui ravage celle de son voisin, il y a problème. Et c’est ce que semblent vouloir faire les chefs d’État africains qui veulent se porter en médiateurs dans la crise russo-ukrainienne. Tenez ! Depuis environ un mois, le Soudan est déchiré par un conflit fratricide, une guerre meurtrière opposant deux généraux et ayant déjà causé la mort d’au moins 820 personnes et le déplacement de plus d’un million de civils. Une véritable catastrophe humanitaire ! Certes, des démarches diplomatiques ont été menées, mais les dirigeants africains peuvent mieux faire pour amener les généraux en guerre à faire taire les armes. Pourquoi ne pas dépêcher au Soudan une forte délégation comme celle qui s’apprête à aller en Ukraine et en Russie ?

Outre le Soudan, l’Est de la RDC est, depuis des années, à la merci de groupes armés qui y sèment la mort et la désolation. Sans que cela ne soit érigé au rang de préoccupation majeure à l’échelle africaine. Comme si ce qui se passe dans l’Est du Congo ne concerne que les seuls Congolais. Des milliers de personnes ont dû fuir leur domicile dans la province du Nord-Kivu. Au vu et au su de tous. Sans que personne n’en soit vraiment ému. Les exemples foisonnent et pourraient donc se multiplier à l’envi. Les dirigeants africains doivent apprendre à définir leurs priorités. Se soucier du voisin, c’est bien. Mais, se soucier d’abord de soi-même, c’est encore mieux. La charité bien ordonnée ne commence-t-elle pas par soi-même ?

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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