Mpox : quand l’Afrique devient le laboratoire du monde


Lecture 6 min.
Mpox 2025

Trois ans après son explosion planétaire, la mpox redessine les contours de l’épidémiologie moderne. Entre mutations virales, résurgences urbaines et défis vaccinaux, cette infection progresse rapidement dans les failles d’un monde interconnecté.

Depuis janvier 2022, la mpox franchi les obstacles géographiques avec 142 151 cas confirmés et 328 décès recensés dans 133 pays, dont plus des deux tiers hors du continent africain. Cette expansion s’explique par l’émergence du clade IIb en 2022, variant particulièrement adapté à la transmission interhumaine.

L’Organisation mondiale de la santé dénombre désormais plus de 100 000 infections à clade II dans 122 pays où la variole simienne n’avait jamais circulé auparavant. Si la dynamique épidémique s’est ralentie en Europe et en Amérique du Nord, elle reste alimentée par des réintroductions constantes via les flux migratoires et touristiques internationaux.

L’Afrique, laboratoire de l’évolution virale

Le continent africain demeure l’épicentre incontesté de cette épidémie en mutation. La République démocratique du Congo, avec 8 084 cas confirmés et 22 décès en 2025, illustre cette réalité complexe où coexistent les clades Ia et Ib. Malgré un plateau épidémiologique et une couverture vaccinale ciblée, le pays reste le foyer principal de diversification virale.

L’Ouganda présente un profil différent avec 4 972 cas et 28 décès, mais connaît un reflux notable depuis avril grâce à des mesures de contrôle renforcées. Le Burundi, avec 988 cas et aucun décès, témoigne qu’une riposte précoce peut enrayer la progression du virus.

La situation la plus alarmante se déroule en Sierra Leone, où plus de 2 648 cas et 14 décès officiels masquent une réalité plus sombre. Les autorités nationales évoquent désormais plus de 3 000 infections et 15 décès concentrés dans la capitale Freetown en un seul mois. Cette flambée, dominée par le clade IIb, se caractérise par une transmission sexuelle marquée et une croissance quasi-exponentielle.

Au total, l’Afrique a enregistré 17 193 cas confirmés et 72 décès en 2025, après 19 117 cas et 51 décès en 2024. l’épidémie continue donc de croitre rapidement. Dix pays africains connaissent désormais une transmission communautaire du clade Ib, variant plus adapté à la propagation interhumaine que le clade Ia historique.

Métamorphose épidémiologique : de la zoonose à l’infection sexuellement transmissible

L’évolution de la mpox depuis 1970 révèle une transformation épidémiologique majeure. Pendant cinq décennies, de 1970 à 2021, la maladie est restée cantonnée à l’endémicité rurale en Afrique centrale et occidentale, avec le clade Ia dominant et une transmission principalement liée au contact avec la faune sauvage et aux soins aux malades.

L’année 2022 marque une rupture historique avec l’explosion mondiale du clade IIb, qui se propage massivement, particulièrement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Cette période voit l’adoption officielle du terme « mpox » par l’OMS fin 2022.

Les années 2023 et 2024 sont marquées par l’apparition du clade Ib en République démocratique du Congo, combinant transmission domestique, soins aux malades et sexualité hétérosexuelle. Cette période charnière voit la propagation du clade Ib dans dix pays africains et l’émergence de cas importés sur quatre continents.

L’année 2025 se caractérise par des résurgences du clade IIb, notamment en Sierra Leone, tandis qu’une circulation faible mais persistante des clades IIa et IIb se maintient hors d’Afrique, alimentée par des clusters urbains.

Les moteurs de l’accélération épidémique

Plusieurs facteurs convergent pour expliquer cette dynamique inquiétante. L’immunité collective s’effrite inexorablement : l’arrêt de la vaccination antivariolique depuis les années 1980 laisse les moins de 45 ans sans protection croisée, créant un terreau favorable à la circulation virale.

Les évolutions virales jouent un rôle déterminant. Le clade Ib accumule des mutations caractéristiques, notamment une signature APOBEC3, qui semblent faciliter la diffusion par contacts sexuels étroits. Cette adaptation moléculaire transforme progressivement un pathogène zoonotique en agent de transmission interhumaine efficace.

Les facteurs sociétaux amplifient cette dynamique. Les conflits dans l’est de la République démocratique du Congo, la précarité des systèmes sanitaires, la densification urbaine et l’intensification de la mobilité régionale créent des conditions propices à la diffusion virale.

La fatigue post-COVID-19 constitue un obstacle supplémentaire. Les budgets de santé contraints, la surveillance épidémiologique interrompue et la désinformation persistent, entravant une riposte efficace.

Une riposte entre urgence et intégration

Face à ces défis, la communauté internationale structure sa réponse autour du Plan continental mpox 2.0, révisé par l’Africa CDC et l’OMS en avril 2025. Ce plan articule dix piliers stratégiques incluant coordination, surveillance, vaccination et recherche-développement, pour un besoin financier estimé à 220 millions de dollars.

La vaccination progresse avec plus de 720 000 doses MVA-BN administrées dans sept pays africains, dont 81% en République démocratique du Congo. Les campagnes s’appuient sur la micro-planification pour cibler prioritairement les travailleurs du sexe, les soignants et les enfants exposés.

Les capacités diagnostiques se renforcent spectaculairement. La République démocratique du Congo est passée de deux à vingt-trois laboratoires PCR, tandis que le déploiement de tests rapides près des lieux de soins améliore l’accessibilité du diagnostic.

Malgré ces avancées, des défis majeurs persistent. L’approvisionnement vaccinal reste critique avec des files d’attente dépassant trois mois dans quatre pays. Les accords de transfert de technologie MVA-BN et le développement de la production régionale constituent des pistes mais il est urgent de les accélérer.

Par ailleurs, l’implication des associations LGBTIQ+ et des leaders communautaires s’avère cruciale pour surmonter ces résistances, mais c’est impossible dans certains pays ou l’homosexualité est pénalement condamnée.

Perspectives à court terme

L’OMS fixe un objectif ambitieux pour la fin 2025 : l’interruption de la transmission soutenue hors d’Afrique grâce au triptyque dépistage-traitement-vaccination ciblés. Cette stratégie s’appuie sur les enseignements tirés de trois années d’épidémie.

Les essais de deuxième génération de vaccins promettent des résultats au quatrième trimestre 2025. En outre, l’intégration de la mpox dans les programmes de vaccination systématique fait l’objet d’études approfondies pour les enfants des zones endémiques à haut risque, particulièrement en République démocratique du Congo et en République centrafricaine.

Cette épidémie révèle les limites d’un monde interconnecté face aux pathogènes émergents. Seule une approche combinée associant vaccination stratégique, surveillance génomique en temps réel et renforcement des systèmes de santé permettra de rompre le cycle « apparition-flambée-réimportation » et de préparer la planète aux prochaines mutations virales.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News