Pêche en crise : l’Afrique de l’Ouest face au choc climatique


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Une barque de pêcheurs
Une barque de pêcheurs

En Afrique de l’Ouest, la pêche artisanale, essentielle pour des millions de personnes, vacille face au changement climatique. La migration des poissons vers le nord, accentuée par la surexploitation et la dégradation des écosystèmes, menace la sécurité alimentaire et l’économie de toute une région.

Dans cette partie du monde, des communautés entières vivent au rythme de la mer. Pourtant, depuis quelques années, pêcheurs, mareyeuses et transformatrices font face à une crise sans précédent : les poissons, jadis abondants au large du Sénégal, de la Mauritanie ou encore de la Guinée-Bissau, migrent vers d’autres horizons. Une étude récente révèle une tendance inquiétante : sous l’effet du changement climatique, les ressources halieutiques fuient les eaux réchauffées de la région. Cette migration bouleverse l’équilibre de toute une filière économique et menace la sécurité alimentaire de millions de personnes.

La grande fuite vers le Nord

Les petits pélagiques, notamment les sardinelles rondes, composent jusqu’à 80 % des captures dans la région. Ces espèces, essentielles à l’alimentation locale, notamment au plat national sénégalais, le thiebou dieune, ont entamé un lent mais inexorable déplacement vers le nord. En cause : un réchauffement exceptionnel des eaux, le plus intense de toutes les zones tropicales du globe, selon Abdoulaye Sarré, chercheur au Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT-ISRA). Ce phénomène climatique, couplé à une surexploitation des ressources, redessine les cartes de la pêche en Afrique de l’Ouest.

Les pêcheurs artisanaux comme Abdoulaye Ndiaye témoignent d’une réalité tangible : certains poissons ont disparu des profondeurs où ils étaient autrefois abondants, remplacés par des espèces inhabituelles. Les périodes de présence se décalent, modifiant radicalement les calendriers de pêche. Ces changements sont directement liés à l’altération des mangroves et des herbiers marins, zones cruciales pour l’alimentation et la reproduction des poissons pélagiques. Ces habitats, devenus hostiles sous la pression du climat et de l’activité humaine, poussent les espèces à chercher refuge ailleurs.

Des impacts économiques et sociaux en cascade

Le déplacement des ressources oblige les pêcheurs à s’éloigner toujours plus des côtes, avec des coûts logistiques accrus et des captures incertaines. Les poissons, lorsqu’ils sont pêchés, sont plus petits, moins nombreux. Les femmes transformatrices, qui dépendent de la matière première pour leur activité, peinent à s’approvisionner. Résultat : la filière pêche, pilier de l’économie locale, vacille. À cela s’ajoute la précarisation croissante des communautés littorales, désormais contraintes de repenser leur avenir.

Pour les chercheurs, il ne s’agit pas seulement d’alerter mais de proposer. L’étude appelle à une reconversion progressive des acteurs de la pêche vers d’autres métiers, et à une meilleure gouvernance de la ressource halieutique. Surtout, elle exhorte les États à respecter leurs engagements climatiques, notamment ceux pris lors des Conférences des Parties (COP). La Conférence des Nations unies sur l’océan, tenue à Nice en juin, a d’ailleurs rappelé l’urgence d’agir pour préserver les océans et leurs richesses face aux pressions climatiques et humaines.

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