L’épidémie silencieuse qui tue encore en Afrique


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Hépatite
Hépatite

Chaque 28 juillet, la Journée mondiale contre l’hépatite est une opportunité pour rappeler l’ampleur silencieuse de cette épidémie qui tue des millions à travers le monde. En 2025, le thème « Hépatite : faisons tomber les barrières ! » met en exergue les freins persistants à l’éradication de cette maladie, particulièrement en Afrique subsaharienne. Au Sénégal, les hépatites virales B et C restent des menaces graves mais souvent négligées. Pourtant, la prévention et le traitement existent. Pourquoi alors cette maladie continue-t-elle de faire autant de victimes ?

Une épidémie silencieuse mais dévastatrice

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’OMS, environ 10 à 12% de la population sénégalaise vit avec une hépatite B chronique, et près de 2% avec une hépatite C. Pourtant, la majorité des personnes ignorent leur statut, découvrant souvent la maladie à un stade avancé, lorsque le foie est déjà gravement atteint par une cirrhose ou un cancer. Ce silence épidémiologique s’explique par le manque de dépistage systématique et par une sensibilisation insuffisante, notamment dans les zones rurales.

Le problème est d’autant plus criant chez les femmes enceintes, qui risquent de transmettre le virus à leur bébé en l’absence de mesures préventives. L’élimination de l’hépatite passe par une série de leviers : le dépistage précoce, la vaccination, et l’accès aux traitements. Mais plusieurs obstacles rendent cette lutte difficile. D’abord, les coûts élevés des traitements et des analyses biologiques limitent l’accès aux soins pour de nombreuses familles. Ensuite, le manque d’équipements dans les structures de santé et les ruptures fréquentes de stocks de vaccins nuisent aux efforts de prévention.

Des solutions efficaces mais sous-utilisées

Autre barrière importante : la stigmatisation. Être porteur d’une hépatite, surtout dans un contexte d’ignorance généralisée, peut entraîner rejet et isolement social. Enfin, l’absence d’une politique de dépistage systématique à l’échelle nationale freine considérablement la détection précoce de la maladie. Il existe pourtant des moyens simples et efficaces pour prévenir et soigner les hépatites virales. Le vaccin contre l’hépatite B, administré dès la naissance, est sûr et efficace. Pourtant, seuls 45% des nouveau-nés dans le monde le reçoivent dans les 24 premières heures.

Au Sénégal, ce chiffre reste encore en dessous des attentes, particulièrement en raison des accouchements à domicile ou du manque de suivi prénatal. Concernant l’hépatite C, les avancées sont encourageantes : les antiviraux à action directe permettent de guérir plus de 95% des cas. Ces traitements sont disponibles dans certains centres de santé, mais leur coût reste un frein majeur pour les populations vulnérables.

Un objectif mondial à portée : éliminer les hépatites d’ici 2030

L’Organisation mondiale de la santé ambitionne de réduire de 90% les nouvelles infections à l’horizon 2030. Le Sénégal s’inscrit dans cette dynamique, mais l’atteinte de cet objectif dépend d’une volonté politique forte et d’une meilleure intégration de la lutte contre les hépatites dans le système de santé. Face à l’inaction ou aux lenteurs institutionnelles, la société civile sénégalaise prend le relais.

En février 2025, la création du Réseau des Associations de Lutte contre les Hépatites (RALCH) marque une étape importante. Coordonné par Fatou Nguirane, présidente de l’association Saafara Hépatite Sénégal, ce réseau regroupe des acteurs de terrain décidés à faire entendre la voix des malades et à structurer un plaidoyer collectif. Avec des cellules implantées à Dakar, Kolda et ailleurs, le RALCH organise des campagnes de sensibilisation, pousse au dépistage de masse, et milite pour un accès équitable aux soins.

Une mobilisation communautaire en pleine expansion

D’autres organisations comme l’Alliance Nationale des Communautés pour la Santé (ANCS), historiquement impliquée dans la lutte contre le VIH/SIDA, ont élargi leur champ d’action aux hépatites. En collaboration avec des réseaux internationaux comme Coalition PLUS ou Solthis, elles renforcent l’intégration des services VIH/hépatite dans les structures de santé.

Avec plus de 300 millions de personnes infectées dans le monde, l’hépatite virale est un défi de santé publique encore sous-estimé. Mais les outils existent, les solutions sont connues, et les communautés commencent à s’organiser. Au Sénégal, l’élimination de l’hépatite d’ici 2030 est un objectif ambitieux, mais atteignable. Il repose sur un triptyque incontournable : sensibiliser, accompagner, soigner.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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