
À un peu plus d’un mois de la Présidentielle centrafricaine prévue le 28 décembre 2025, le climat politique s’électrise. L’opposant Anicet-Georges Dologuélé, ancien Premier ministre et président de l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA), a dénoncé ce qu’il appelle une « manœuvre illégale » visant à l’écarter de la course à la magistrature suprême. En cause : le rejet par la justice de son certificat de nationalité centrafricaine, un document indispensable pour valider sa candidature.
Lors d’une conférence de presse tenue à Bangui, hier lundi 10 novembre, l’opposant Anicet-Georges Dologuélé, ancien Premier ministre et président de l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA), a fustigé un « acharnement politique » orchestré, selon lui, par le pouvoir en place. « Toutes ces manigances ne sont guidées ni par le droit, ni par la justice, mais par la peur et la haine », a-t-il déclaré, dénonçant une tentative d’exclusion déguisée en procédure administrative.
Une polémique autour de la nationalité centrafricaine
L’affaire prend racine dans un détail juridique. En 1994, Anicet-Georges Dologuélé avait acquis la nationalité française, perdant de fait, selon le Code de la nationalité de 1961, sa citoyenneté centrafricaine. Soucieux de se conformer à la Constitution de 2023, qui interdit désormais les candidatures binationale, il avait officiellement renoncé à la nationalité française en août dernier. Il estime donc être pleinement centrafricain, d’autant plus qu’il avait déjà utilisé le même certificat de nationalité pour les Présidentielles de 2015 et 2020, sans que sa légitimité soit remise en question.
Mais la justice centrafricaine a récemment annulé ce certificat, le déclarant « nul et de nul effet ». Selon le tribunal, Dologuélé aurait dû passer par un décret présidentiel de réintégration pour redevenir citoyen centrafricain. Une interprétation que l’opposant rejette fermement, jugeant le texte « tombé en désuétude » car jamais appliqué depuis plus de soixante ans. « Si l’on applique ce code à la lettre, des centaines de ministres, de députés et de fonctionnaires seraient eux aussi apatrides », ironise-t-il, appelant le Président Faustin-Archange Touadéra à démettre tous ceux qui se trouveraient dans la même situation.
Une bataille politique à fort enjeu
Pour Dologuélé, ce rejet n’a qu’un objectif : empêcher sa candidature face au président sortant. « Le pouvoir cherche à éliminer un concurrent sérieux », dénonce-t-il. Il accuse le gouvernement de manipuler la justice pour neutraliser l’opposition avant le scrutin. De son côté, la présidence dément toute interférence. Obed Namsio, directeur de cabinet du chef de l’État, a qualifié les accusations de Dologuélé de « propos offensants et diffamatoires », précisant que le Président Touadéra « ne s’immisce pas dans le processus électoral ».
L’opposant reste néanmoins confiant. Il assure avoir déposé un dossier complet et conforme à la loi, et se dit prêt à défendre son droit devant toutes les instances compétentes. Le Conseil constitutionnel, chargé d’examiner les candidatures, doit rendre sa décision finale le 16 novembre. Cette controverse intervient dans un climat déjà tendu. À Bangui, les débats sur la transparence électorale, la réforme constitutionnelle et la sécurité divisent profondément la classe politique. Pour de nombreux observateurs, l’affaire Dologuélé illustre les failles institutionnelles du pays et la fragilité de la démocratie centrafricaine.
Le spectre d’une élection sous tension
« La question de la nationalité est instrumentalisée pour servir des intérêts politiques », analyse un chercheur local. « Cela détourne l’attention des véritables enjeux : la gouvernance, la lutte contre la corruption et la réconciliation nationale ». À 68 ans, Anicet-Georges Dologuélé incarne une opposition modérée et technocratique, souvent présentée comme une alternative crédible au régime actuel. Battu à deux reprises par Touadéra, il espère que cette fois, les urnes lui seront favorables. Mais encore faut-il qu’il puisse se présenter.
En attendant la décision du Conseil constitutionnel, le candidat de l’URCA appelle ses partisans au calme et à l’unité : « Nous devons rester debout et défendre notre droit de choisir librement nos dirigeants ». La Présidentielle du 28 décembre en Centrafrique s’annonce donc déterminante. Elle opposera, une fois de plus, un pouvoir sûr de sa légitimité à une opposition décidée à en découdre. Et au centre de cette bataille : la question brûlante de l’identité nationale, devenue l’arme politique la plus redoutable du moment.





