Centrafrique : nouveau report des élections locales, un processus électoral sous tension


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Faustin Archange Touadéra, Président de la Centrafrique
Le Président centrafricain, Faustin Archange Touadéra

En Centrafrique, les élections locales, prévues pour août 2025, ont une nouvelle fois été reportées. Elles seront désormais couplées aux scrutins présidentiel et législatifs de décembre. Ce report, annoncé par le Premier ministre Félix Moloua, s’explique par des retards logistiques, techniques et financiers. Il suscite de vives critiques de l’opposition, qui dénonce l’incompétence de l’Autorité nationale des élections (ANE).

En République centrafricaine (RCA), le calendrier électoral connaît un énième bouleversement. Les élections locales, prévues initialement pour le 31 août 2025, viennent d’être reportées. Elles seront finalement couplées aux élections législatives et présidentielle de décembre 2025. L’annonce a été faite par le Premier ministre Félix Moloua, vendredi 11 juillet, lors d’une réunion du comité stratégique d’appui au processus électoral, en présence des partenaires techniques, financiers et sécuritaires du pays.

Ce report résulte de difficultés logistiques, techniques et politiques qui entourent le processus électoral centrafricain. Officiellement, le gouvernement justifie cette décision par des retards dans la mobilisation des fonds nécessaires et par des obstacles organisationnels. « La convocation du corps électoral pour les élections législatives était prévue pour le 3 juin passé, mais on n’a pas pu le faire. La seule option que nous avons aujourd’hui, c’est de les combiner avec les élections présidentielle et législative », a expliqué le Premier ministre. Il a également souligné la nécessité de renforcer la capacité de l’Autorité nationale des élections (ANE), structure chargée d’organiser les scrutins.

Un lourd passif électoral

Ce nouveau report ne fait qu’amplifier une situation déjà marquée par une méfiance profonde entre le pouvoir et l’opposition. Il faut rappeler que la République centrafricaine n’a pas connu d’élections locales depuis plus de 40 ans. Cette absence de scrutins municipaux a contribué à affaiblir la gouvernance locale et à éloigner les citoyens de la gestion de leur territoire. Dans un pays où l’autorité de l’État reste largement limitée à Bangui et à quelques grandes villes, les élections locales sont pourtant cruciales pour asseoir une administration de proximité.

Le processus électoral en Centrafrique est régulièrement entaché d’irrégularités, de violences, et de contestations. Les élections présidentielles de 2020, qui ont vu la réélection du Président Faustin-Archange Touadéra, avaient été boycottées par une partie de l’opposition et se sont déroulées dans un climat de fortes tensions sécuritaires, avec de nombreuses zones du pays sous contrôle de groupes armés.

L’opposition dénonce une ANE « incompétente »

Face à ce report, les critiques n’ont pas tardé à se faire entendre. L’opposition, notamment regroupée au sein du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), fustige l’ANE, qu’elle accuse d’incompétence et de partialité. Pour Martin Ziguélé, ancien Premier ministre et porte-parole du BRDC, seule une réforme en profondeur de cette institution permettra d’organiser des élections libres et transparentes : « La bonne démarche, c’est ce que le BRDC a toujours dit : il faut organiser un dialogue avec le Président Touadéra pour remettre en place l’ensemble des questions politiques qui empêchent le bon déroulement du processus électoral, afin de mettre en place un processus électoral crédible, inclusif et efficace ».

Ce dialogue, pourtant réclamé depuis plusieurs mois par les partis d’opposition et certaines organisations de la société civile, peine à voir le jour. Le pouvoir en place semble privilégier une approche unilatérale, s’appuyant sur les institutions existantes et les appuis internationaux, sans réelle concertation nationale. Cette attitude alimente la défiance et le sentiment d’exclusion politique ressenti par une large partie de la population.

Enjeux logistiques et sécuritaires

Le territoire centrafricain, vaste et difficile d’accès, souffre d’un manque criant d’infrastructures. L’acheminement du matériel électoral, l’identification des électeurs et la sécurisation des bureaux de vote constituent autant d’obstacles que les autorités tentent de surmonter. Dans de nombreuses régions, les groupes armés continuent d’exercer une influence considérable, remettant en cause la tenue de scrutins libres et sécurisés. Le risque, selon plusieurs observateurs, est que le couplage des scrutins en décembre 2025 ne favorise pas une meilleure organisation, mais au contraire accentue la complexité du processus.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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