
Alors que la Côte d’Ivoire entre dans la dernière ligne droite avant la Présidentielle d’octobre 2025, les mots de Nady Bamba Gbagbo, prononcés ce samedi 28 juin à Agou lors d’une célébration de la fête des Mères, résonnent comme un avertissement solennel.
L’épouse de l’ancien Président, Laurent Gbagbo, a profité de son discours pour lancer un appel direct au Président Alassane Ouattara : prendre ses responsabilités pour éviter au pays un nouveau cycle d’instabilité. « Le Président Alassane Ouattara tient aujourd’hui entre ses mains le destin de la Côte d’Ivoire. Une seule décision peut faire basculer la Côte d’Ivoire dans le chaos, tout comme une décision peut permettre au pays de naviguer dans la paix », a-t-elle déclaré dans une adresse aux allures de plaidoyer politique et d’intime confidence.
L’amnistie, nœud du dossier Gbagbo
Au cœur des tensions : la question de l’éligibilité de Laurent Gbagbo. Candidat investi du Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), l’ancien Président demeure juridiquement inéligible. En cause : une condamnation par contumace en 2018 pour le braquage de l’agence nationale de la BCEAO pendant la crise post-électorale de 2010-2011.
La grâce présidentielle accordée en 2022 n’efface pas cette condamnation. Seule une amnistie, acte politique que seul le Président en exercice peut prononcer, permettrait à Gbagbo de recouvrer ses droits civiques. C’est ce geste que Nady Bamba Gbagbo a sollicité, dans ce qui ressemble à une ultime tentative de médiation, entre respect des institutions et appel à la raison d’État. « Il [Ouattara] sait ce qu’il a à faire. Il n’est pas encore trop tard. Tout est possible ! », a-t-elle lancé, dans une mise en garde feutrée mais déterminée.
Message voilé aux proches du pouvoir
Si son discours se veut un appel à l’apaisement, il comporte aussi des piques ciblées. Sans nommer personne, l’épouse de Laurent Gbagbo a dénoncé les entourages présidentiels qui attisent les tensions, affirmant que « les va-t-en-guerre qui sont auprès d’un chef sont toujours les premiers à fuir quand le pouvoir est perdu ». Une phrase chargée de mémoire, qui fait écho à la chute brutale du régime Gbagbo en avril 2011.
Plus qu’un simple plaidoyer pour son époux, Nady Bamba a esquissé une vision politique : celle d’un passage de témoin historique entre deux anciens rivaux, incarnant enfin l’alternance démocratique attendue par les Ivoiriens. Elle a évoqué la possibilité d’un mandat unique pour Laurent Gbagbo, tourné vers la réconciliation nationale et des projets sociaux emblématiques comme la création d’une « banque des femmes » à taux zéro. « Ce qu’il faut construire aujourd’hui, c’est l’alternance pacifique entre un ancien Président et un nouveau Président. La Côte d’Ivoire le mérite », a-t-elle martelé.
Mobilisation contre vents et marées
Face aux complexités administratives imposées par la Commission électorale indépendante (CEI), Nady Bamba a appelé les militants du PPA-CI à ne pas baisser les bras. L’objectif est clair : réussir à obtenir les parrainages nécessaires pour valider la candidature de son mari, malgré les entraves. « Même si la CEI vous met des bâtons dans les roues, trouvez les parrains ! », a-t-elle lancé, galvanisant la base militante. En réaction à la récente décision de la Cour africaine des droits de l’homme — défavorable à Laurent Gbagbo — elle a conclu sur un ton sibyllin : « Un crime n’est jamais parfait », sous-entendant que le combat pour la vérité continue.
À travers cette prise de parole stratégique, Nady Bamba Gbagbo n’a pas seulement porté le message de son mari. Elle a affirmé un rôle politique de premier plan, mêlant mémoire, diplomatie et offensive électorale. Figure discrète mais désormais centrale du PPA-CI, elle tend la main à Alassane Ouattara tout en posant clairement les responsabilités. À quatre mois du scrutin, son intervention résonne comme un rappel : dans une Côte d’Ivoire encore marquée par les plaies de son histoire récente, un simple décret peut faire la différence entre crise et concorde.