
Entre ambitions industrielles et réalités économiques, le Maroc joue sa partition sur l’échiquier automobile mondial. Alors que le pays séduit les géants du secteur avec ses infrastructures modernes et sa proximité avec l’Europe, il doit composer avec un paradoxe : une demande intérieure en plein essor et des exportations en repli.
Le secteur automobile marocain confirme sa reprise spectaculaire. Au premier semestre 2025, les immatriculations de véhicules neufs ont bondi de 36,14%, totalisant 112 026 unités, selon l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM). Une dynamique portée par la hausse de la demande intérieure, des conditions de financement assouplies, et l’arrivée de nouveaux modèles stratégiques sur le marché.
Dacia, Renault et Hyundai en tête, poussés par la concurrence chinoise
Le segment des véhicules particuliers (VP) a progressé de 34,11%, atteignant 99 309 unités vendues sur six mois. Les véhicules utilitaires légers (VUL) affichent une performance encore plus impressionnante avec une croissance de 54,37% (12 717 unités). Le mois de juin 2025 confirme cette tendance, avec 23 298 véhicules écoulés, soit une hausse de 34,14% par rapport à juin 2024.
Dacia reste leader sur le segment VP avec 5 613 unités vendues en juin, soit 24,54 % de parts de marché. Renault progresse fortement (+62,66%), suivi de Peugeot (+80,22%) et Hyundai (+41,5%), qui consolide sa troisième place. Les marques chinoises s’imposent de plus en plus grâce à leur offre électrifiée et technologique : BYD a explosé ses ventes en passant de 11 à 412 véhicules vendus en un an (+3 645%), tandis que Changan et Geely enregistrent respectivement +85,15% et +115,71% de croissance.
Audi domine le segment premium
Sur le marché des véhicules haut de gamme, Audi prend la tête avec 492 unités vendues en juin, devant BMW (433) et Mercedes (301), cette dernière renouant avec la croissance. Du côté des véhicules utilitaires légers, Renault s’impose largement avec 503 unités écoulées en juin (+94,94%), suivi par Fiat et le constructeur chinois DFSK.
Si la tendance actuelle se poursuit, le marché marocain pourrait atteindre 180 000 à 200 000 immatriculations d’ici fin 2025. Cependant, le dynamisme local contraste avec la baisse des exportations automobiles, qui ont reculé de 4% à fin mai 2025, totalisant 64,7 milliards de dirhams. Ce repli est notamment dû à la chute de 16,2% du segment construction, la baisse des ventes de véhicules finis (–6,8 %) et un léger rebond dans le câblage automobile (+3,2 %). Il s’agit de la cinquième baisse consécutive pour les exportations du secteur, ce qui pèse sur la balance commerciale.
Une balance commerciale sous pression
À fin mai 2025, le déficit commercial du Maroc a atteint 133,1 milliards de dirhams, en hausse de 15,1% sur un an. Cette évolution résulte d’une augmentation des importations (+7,4%) et des exportations (+2,8%), qui ont atteint 198,6 milliards de dirhams. Les importations sont tirées par les produits finis d’équipement (+12,4%), les produits bruts (+24,7%) et les denrées alimentaires (+7,7%). En revanche, la facture énergétique a baissé de 6,5%, grâce à la réduction des achats de gasoil et de fuel-oils (–14,6%).
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Le port de Tanger Med, hub logistique stratégique, est au cœur de l’ambition marocaine de devenir l’usine automobile de l’Europe. Avec plus de 20 000 cargos accueillis chaque année, sa proximité avec l’Europe et sa capacité logistique renforcée font de lui un point d’ancrage majeur pour les exportations. En 2025, sa zone dédiée au transport automobile, Tanger Automotive City, a doublé de superficie pour atteindre 1 185 hectares.
Des investissements massifs de Renault et Stellantis
Le groupe Stellantis prévoit de doubler la capacité de son usine de Kénitra à 400 000 véhicules par an. Il envisage également d’y transférer la production de la Citroën C4, aujourd’hui fabriquée en Espagne. L’usine produit déjà la Peugeot 208, la Citroën Ami, la Fiat Topolino et l’Opel e-Rocks. Renault, pour sa part, assemble au Maroc la Dacia Sandero, la Logan et la Jogger hybride, réparties entre ses usines de Casablanca et Tanger.
Le Maroc vise une production annuelle d’un million de véhicules en 2025, contre 2,3 millions pour l’Espagne en 2024, un chiffre en baisse de 9% au premier trimestre 2025. La réglementation européenne qui prévoit l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 2035 pousse les constructeurs à délocaliser leur production. Les amendes pour non-conformité pourraient atteindre 16 milliards d’euros. La chute des ventes de véhicules électriques, jugés trop chers, peu pratiques, et difficilement revendables, aggrave la crise.
Les actions des grands groupes comme Stellantis (-32,4%), Ford (-22,7%) ou Volkswagen (-16,4%) ont fortement chuté. En 2026, l’UE imposera une nouvelle baisse des émissions de CO₂ de 20%, forçant les marques à produire plus de véhicules électriques, ou à délocaliser massivement.