Maroc : deux morts dans l’attaque contre la Gendarmerie royale sur fond de vives tensions sociales


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Un manifestant arrété au Maroc
Un manifestant arrété au Maroc

Un épisode dramatique secoue le Maroc, faisant ressortir l’ampleur des tensions sociales qui s’y cristallisent. L’attaque contre un poste de la Gendarmerie royale à Leqliaa, ayant coûté la vie à deux personnes, s’inscrit dans un climat explosif, nourri par une jeunesse mobilisée et des revendications multiples. Sur fond de contestation nationale, ce fait divers prend une dimension politique et symbolique forte.

Un incident d’une violence rare s’est produit mercredi 1er octobre 2025, dans la commune marocaine de Leqliaa, située dans la région de Souss-Massa. Des groupes organisés d’individus ont lancé une offensive ciblée contre le siège local de la Gendarmerie royale. D’après des sources proches de l’enquête, l’assaut a débuté par des jets de pierres visant le bâtiment. Les gendarmes ont dans un premier temps réussi à disperser les agresseurs grâce à l’utilisation de gaz lacrymogènes.

Cependant, la situation s’est rapidement détériorée. Les assaillants, après s’être momentanément retirés, sont revenus avec des armes blanches, notamment des couteaux. Parvenant à forcer l’entrée des locaux, ils ont mis le feu à un véhicule officiel, dérobé quatre motocyclettes et tenté de s’approprier du matériel militaire, dont des armes et des munitions. Face à cette attaque directe mettant en danger leur intégrité physique, les forces de l’ordre ont dû recourir à leurs armes à feu.

Un climat national de contestation inédit

Plusieurs des assaillants ont été atteints par des tirs ; deux ont perdu la vie des suites de leurs blessures. Une enquête approfondie a été ouverte afin de retrouver les auteurs de cet acte jugé d’une extrême gravité par les autorités. Cette attaque ne survient pas dans un vide politique ou social. Depuis plusieurs jours, le Maroc est secoué par une vague de protestation d’une ampleur inédite. Portée par une jeunesse connectée et politisée, la mobilisation s’est étendue à plusieurs villes du royaume, prenant parfois une tournure violente.

À Oujda, Agadir, Tiznit, Aït Amira ou encore Inezgane, des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur fait état de 263 blessés parmi les forces de sécurité, de 409 personnes placées en garde à vue, et de dizaines d’infrastructures publiques et privées endommagées, notamment 142 véhicules des forces de l’ordre et 20 véhicules de particuliers.

Une répression critiquée et un cadre légal remis en question

Si les autorités assurent que les interventions ont été menées « dans le respect des lois en vigueur », plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un usage disproportionné de la force. Des ONG locales et internationales ont commencé à documenter les blessures infligées aux manifestants ainsi que les conditions de détention des personnes arrêtées.

Parmi les revendications initiales des manifestants figurait la dégradation des services de santé, après plusieurs décès tragiques dans des hôpitaux publics. Mais très vite, la contestation s’est élargie : coût de la vie, chômage, inégalités, inefficacité des politiques publiques… Le mouvement Gen Z 212, apparu sur les réseaux sociaux, canalise une colère générationnelle structurée, informée, et résolument politique.

Une jeunesse en rupture avec les élites traditionnelles

Contrairement aux mouvements de protestation antérieurs, Gen Z 212 ne se réclame d’aucun parti politique, ni d’aucun syndicat. Ses membres adoptent un discours technocratique, exigeant des réponses chiffrées, des audits, et une réorientation des priorités budgétaires. Le slogan « Des stades ou des hôpitaux ? », devenu viral, résume une opposition frontale à des projets jugés coûteux et peu prioritaires, comme l’organisation du Mondial 2030. La démission remarquée de Moussa Laarif, conseiller municipal à Rabat, qui a exprimé son soutien au mouvement, illustre la pression croissante exercée sur les élus.

L’attaque de la Gendarmerie à Leqliaa est la preuve que la crise sociale peut déboucher sur des actes de violence organisés, voire coordonnés. Elle montre que le climat de défiance envers l’autorité est à son comble. Dans les rues comme en ligne, la fracture entre les institutions et une partie de la population, notamment les jeunes, semble se creuser. Plus que jamais, le gouvernement est confronté à un double impératif : restaurer l’ordre public tout en répondant aux attentes sociales.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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