Bounou et Aguerd soutiennent GenZ212 : quand les stars du foot rejoignent la colère sociale au Maroc


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Yassine Bounou
Yassine Bounou

Le week-end du 27-28 septembre 2025 a marqué l’expression du malaise social au Maroc. Dans plusieurs villes du royaume, des milliers de jeunes, issus de la « Génération Z », ont tenté de faire entendre leur voix en protestant contre la dégradation des services publics, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Cette séquence bénéficie maintenant du soutien explicite de figures publiques majeures, notamment les footballeurs marocains Yassine Bounou et Nayef Aguerd.

Quand les idoles du football sortent du silence

Nayef Aguerd, pilier de la défense de l’équipe nationale marocaine et joueur de West Ham, a publié un message clair sur Instagram. « Mon cœur est avec tout ce qui se passe », a-t-il écrit, exprimant sa solidarité avec les jeunes manifestants du mouvement GenZ212. Il a insisté sur la légitimité des revendications, particulièrement en ce qui concerne les services de santé et l’éducation. Sans encourager la violence, il a appelé à une expression pacifique, concluant par la devise nationale : « Dieu, la patrie, le roi ».

Son coéquipier en sélection, le gardien Yassine Bounou, évoluant à Al-Hilal en Arabie Saoudite, a lui aussi pris position via un visuel fort sur Instagram. Le message ? « Pour nos droits, pour la dignité, pour la santé et l’éducation ». Cette image, virale, avait déjà été partagée par plusieurs joueurs du championnat local, notamment Badr Banoun, Aymane Hassouni et Hamza El Moussaoui. Ce soutien témoigne d’un élan de solidarité inédit dans le milieu du sport.

Une fracture générationnelle mise à nu

La mobilisation de GenZ212 n’a pas seulement surpris par son ampleur, mais aussi par sa forme inédite : pas de partis, pas de syndicats, mais des collectifs structurés sur Telegram, des messages codés, des revendications exprimées en langage technocratique. C’est une génération qui ne parle pas en slogans idéologiques, mais en budgets, priorités, indicateurs et résultats attendus.

Le mouvement est né d’un choc émotionnel collectif : la mort de plusieurs femmes enceintes à l’hôpital Hassan-II d’Agadir. L’affaire est rapidement devenue le symbole de l’échec du système de santé public, avec des services saturés, un personnel en sous-effectif et des moyens jugés dérisoires. Malgré des limogeages et des annonces gouvernementales, la colère n’a pas diminué. Au contraire, elle s’est transformée en un appel national à l’action.

Ce mouvement citoyen a également provoqué des secousses au sein de la classe politique. À Rabat, un élu municipal, Moussa Laarif, a présenté sa démission en soutien aux manifestants. Dans sa lettre, il dénonce le chômage, la vie chère et le délabrement des services publics, affirmant que le rôle des élus est d’écouter les citoyens, non de les réprimer.

Le dilemme : sécurité ou réforme ?

Face à cette montée de tension, l’exécutif marocain a tenu une réunion d’urgence, présidée par Aziz Akhannouch, en présence des chefs de la majorité (RNI, PI, PAM). Objectif : tenter de construire une réponse politique crédible à une jeunesse qui n’attend plus de discours, mais des résultats chiffrés.

Pour l’instant, la réponse des autorités s’est principalement traduite par une approche sécuritaire : interdictions de rassemblements, arrestations, encadrement policier massif. Mais cette stratégie semble inefficace face à une génération qui ne craint plus la répression et qui s’organise hors des circuits classiques.

Des voix s’élèvent donc, y compris au Parlement, pour réclamer des mesures concrètes : renforcement du personnel hospitalier, rénovation des infrastructures scolaires, transparence budgétaire, calendrier d’embauches. La Commission des secteurs sociaux doit auditionner cette semaine le ministre de la Santé, dans une session qui s’annonce tendue.

Un malaise social qui dépasse les cercles militants

Ce mouvement, porté par des jeunes ultra-connectés, exige une nouvelle forme de gouvernance : participative, basée sur les preuves, centrée sur la dignité et l’accès équitable aux services publics. Le soutien de figures populaires comme Bounou et Aguerd est un signal fort : le malaise social dépasse les cercles militants. Il reste à savoir si l’exécutif saura en saisir la portée. Mais une chose est certaine : GenZ212 a changé la donne. Et les prochains week-ends pourraient en être la confirmation.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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