Maroc – Gen Z 212 : un élu de Rabat démissionne, la crise sociale s’aggrave


Lecture 5 min.
Le Parlement marocain
Le Parlement marocain

Alors que les manifestations portées par la jeunesse marocaine gagnent du terrain, un premier geste politique fort vient bousculer l’ordre établi : à Rabat, un élu municipal a annoncé sa démission, en soutien aux revendications du mouvement Gen Z 212. Cette décision, inédite, met en exergue une fracture générationnelle de plus en plus visible et relance le débat sur la capacité des institutions à répondre à une colère sociale qui ne faiblit pas. Aujourd’hui : le malaise dépasse la rue.

La démission d’un conseiller municipal de Rabat, Moussa Laarif, marque un tournant politique inattendu dans un climat social de plus en plus tendu au Maroc. En affichant sa solidarité avec le mouvement Gen Z 212, ce membre du Parti Marocain Libéral devient le premier élu à poser un acte politique fort en réponse à la vague de protestation menée par une jeunesse connectée et revendicative.

Dans sa lettre adressée à la maire de la capitale, Fatiha El Moudni (PAM), Laarif justifie son geste par « la souffrance réelle de la jeunesse marocaine », évoquant « le chômage, le coût de la vie, et l’effondrement des services publics ». Il appelle à un « dialogue national sérieux », estimant que les institutions doivent entendre les cris de la rue.

Une mobilisation inédite, portée par une nouvelle génération

Le mouvement Gen Z 212 s’inscrit dans une dynamique de protestation nouvelle au Maroc. Sans partis, sans syndicats, les jeunes organisent des rassemblements via des plateformes numériques comme Telegram. Loin des mots d’ordre idéologiques classiques, ils s’appuient sur un vocabulaire technocratique : budgets, indicateurs de performance, justice sociale, et égalité d’accès aux services publics. Le catalyseur de leur colère ?

Une série de décès de femmes enceintes à l’hôpital Hassan-II d’Agadir, devenu symbole d’un système hospitalier à bout de souffle. Malgré les mesures prises (inspections, limogeages), la jeunesse y voit des réponses superficielles à des problèmes structurels. Ces événements ont transformé une indignation locale en une contestation nationale, dépassant les clivages politiques et géographiques. Le fossé entre cette jeunesse éduquée, informée et exigeante, et un appareil politique centré sur la stabilité et la communication, n’a jamais été aussi visible.

Une réponse politique encore floue

Face à cette montée de contestation, l’exécutif marocain a réagi par une réunion d’urgence à Rabat, réunissant les leaders du RNI, de l’Istiqlal et du PAM. Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a cherché à rassurer, mais aucune mesure concrète n’a été annoncée dans l’immédiat. Parallèlement, la Commission des secteurs sociaux au Parlement interpellera le ministre de la Santé. Cette audition, très attendue, devra répondre à des questions précises sur les moyens alloués au secteur et les réformes envisagées.

Il s’agit pour le gouvernement de démontrer sa capacité à écouter et à agir de manière transparente. Mais jusqu’ici, les signaux envoyés restent ambigus. Si certains cadres appellent à l’apaisement, les forces de l’ordre continuent de disperser les rassemblements, parfois violemment. Plusieurs arrestations ont été signalées, alimentant la défiance et la détermination des collectifs.

Des revendications précises : dignité, emploi, services publics

Les jeunes de Gen Z 212 et des collectifs comme Moroccan Youth Voice ne réclament ni privilèges ni révolutions. Leurs revendications sont précises : améliorer l’accès aux soins, renforcer l’école publique, lutter contre la corruption et rediriger les priorités budgétaires vers les besoins essentiels. Le slogan « stades vs hôpitaux » résume leur frustration. Alors que le Maroc s’engage dans des projets prestigieux comme le Mondial 2030, la jeunesse réclame des investissements dans les hôpitaux de proximité, la formation des enseignants, et l’accès équitable aux services de base.

Cette critique budgétaire révèle une maturité politique inattendue. Il ne s’agit pas d’un rejet global de l’État, mais d’un appel à une réorientation stratégique : mettre l’humain au centre, et non les grands chantiers. Le mouvement Gen Z 212 incarne une rupture : une génération qui exige des preuves d’action, des indicateurs vérifiables, des délais réalistes. Ce sont des citoyens formés à l’ère numérique, qui n’attendent plus grand-chose des discours politiques, mais tout des données concrètes et des engagements mesurables.

Une alerte démocratique

La réponse sécuritaire du gouvernement pourrait donc s’avérer contre-productive. Si elle permet de contrôler ponctuellement la rue, elle aggrave en profondeur la crise de confiance envers les institutions. L’élargissement de la mobilisation à d’autres villes, Casablanca, Marrakech, Fès, montre que le malaise est profond et généralisé. Le gouvernement marocain se trouve aujourd’hui à un carrefour.

La démission de Moussa Laarif ne changera peut-être pas le cours immédiat des événements. Mais elle symbolise un basculement : même les élus commencent à entendre les messages de la rue. Le Maroc entre dans une phase où la stabilité ne peut plus être garantie par la seule dissuasion. Elle devra reposer sur un nouveau contrat social, rédigé avec, et non contre, la jeunesse.

Avatar photo
Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News