
Au Mali, les partis d’opposition ont reporté une manifestation prévue ce 9 mai, invoquant des menaces et des manœuvres de déstabilisation. Ce report survient après la suspension des activités politiques par décret du président Assimi Goïta. Face à cette dérive autoritaire, des jeunes leaders dénoncent la confiscation du pouvoir et appellent au respect de la Constitution, aux élections libres et à la défense des libertés fondamentales.
La tension politique monte d’un cran au Mali. Alors que les partis d’opposition s’apprêtaient à organiser une manifestation d’envergure, ce vendredi 9 mai, à Bamako, ils ont finalement annoncé son report. Le Collectif des partis politiques pour la Constitution, qui regroupe une centaine de formations, justifie cette décision par des menaces, des appels à la violence et des manœuvres de déstabilisation orchestrées sur les réseaux sociaux, notamment par deux membres du Conseil national de transition (CNT). Le report, selon eux, s’inscrit dans une volonté de préserver la paix civile tout en poursuivant leur lutte contre la suspension de leurs activités décrétée par la junte militaire.
Une interdiction décrétée par la junte
La décision de reporter la manifestation intervient dans un contexte explosif. Le président de la transition, le général Assimi Goïta, a signé le 8 mai un décret suspendant « jusqu’à nouvel ordre » toutes les activités des partis politiques et associations à caractère politique sur l’ensemble du territoire malien. Ce décret, lu à la télévision nationale, justifie cette interdiction par des motifs de « maintien de l’ordre public ».
En réponse, les partis concernés ont introduit un recours judiciaire en urgence pour contester la légalité de cette mesure, qu’ils qualifient d’antidémocratique et liberticide. En parallèle, un front civil émerge avec force. Dimanche 4 mai, des jeunes leaders, intellectuels et activistes maliens se sont réunis à la Maison de la presse de Bamako.
Une jeunesse mobilisée contre la junte
Ils ont publié un manifeste en cinq points, appelant au respect de la Constitution du 22 juillet 2023, à la tenue d’élections libres et transparentes, et à l’arrêt des dérives autoritaires du pouvoir. Malgré des tentatives d’intimidation, ces jeunes ont réussi à faire entendre leur voix, dénonçant une tentative de confiscation du pouvoir par le général Goïta.
Le manifeste rejette toute possibilité d’un mandat présidentiel imposé sans passer par les urnes et dénonce la dissolution envisagée des partis politiques. Pour ces jeunes, le pluralisme politique et les libertés fondamentales sont des acquis non négociables. Ces actions citoyennes s’opposent aux conclusions récentes des consultations dites des « forces vives de la nation », organisées par les autorités de transition.
Une transition verrouillée par le pouvoir
Ces assises, clôturées le 7 mai à Bamako, ont débouché sur des propositions radicales : dissolution de tous les partis existants, durcissement des conditions de création de nouveaux partis, exclusion des chefs traditionnels et religieux de la vie politique, et suppression du financement public des partis.
Le point le plus controversé reste la proposition d’investir Assimi Goïta comme président de la République pour un mandat de cinq ans, renouvelable à partir de 2025. Cette orientation, inspirée des trajectoires autoritaires des pays voisins du Burkina Faso et du Niger, s’éloigne clairement des promesses de retour à l’ordre constitutionnel.
Les partis dénoncent une confiscation du pouvoir
Face à cette dérive, les partis politiques maliens dénoncent une tentative manifeste d’étouffer toute forme d’opposition. Une récente prise de position publique à Bamako, rassemblant près de cent partis, alerte sur le risque d’une suppression pure et simple du pluralisme politique au Mali. Leur meeting, prévu dans la foulée, a été interdit par les autorités, renforçant encore le sentiment d’un verrouillage autoritaire de l’espace démocratique.
Ces partis dénoncent aussi l’opacité des consultations organisées par le pouvoir, affirmant qu’elles se sont déroulées sans véritable concertation ni dialogue. La nouvelle charte des partis politiques, actuellement en préparation, risque selon eux d’imposer des critères si restrictifs qu’ils empêcheront toute opposition effective.
Une trajectoire sahélienne vers l’autoritarisme
Le Mali semble ainsi s’aligner de plus en plus sur les régimes autoritaires du Sahel, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). La suspension des partis politiques, la limitation des libertés et la centralisation du pouvoir autour d’un chef militaire devenu président sont autant de signes d’un glissement vers un régime fort, justifié par des arguments de stabilité et de sécurité.
Mais cette stratégie soulève de vives inquiétudes, tant sur le plan national qu’international. La société civile et les partis d’opposition craignent que la junte ne cherche à institutionnaliser son pouvoir en écartant durablement toute alternance. Dans un pays en proie à une insécurité chronique, à une crise économique profonde et à une défiance croissante de la population, le choix d’un autoritarisme assumé pourrait bien aggraver les tensions au lieu de les apaiser.
Une lutte politique loin d’être terminée
Pour l’instant, les partis politiques et les jeunes leaders ont décidé de poursuivre leur combat dans le cadre légal, tout en restant mobilisés. Le report de la manifestation du 9 mai ne signe pas la fin de leur mouvement. Bien au contraire, les leaders d’opinion appellent à une plus forte mobilisation, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, pour défendre la démocratie malienne. Le bras de fer entre la junte et l’opposition est donc loin d’être terminé.