
À rebours des sanctions et des critiques, le Mali d’Assimi Goïta vient de lever 33 milliards de FCFA sur le marché financier régional. Une opération discrète mais révélatrice, dans laquelle plusieurs voisins ouest-africains ont, volontairement ou non, contribué à financer un régime militaire toujours en quête de légitimité.
Dans un contexte politique tendu au Mali, où le général Assimi Goïta continue de consolider son pouvoir, une opération financière menée le 30 avril 2025 a permis à son régime d’engranger près de 33 milliards de FCFA. Une somme inédite depuis le début de l’année, rendue possible grâce à l’appui indirect d’États comme la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Burkina Faso, via le marché régional des titres publics de l’UMOA. Ce succès illustre autant la résilience du Mali sur le plan financier que les paradoxes d’un régime militaire en quête de stabilité économique au cœur d’une transition politique contestée.
Une émission de titres couronnée de succès
Deux mois après sa dernière apparition sur le marché régional de la dette, le Mali est revenu en force en émettant des Bons assimilables du Trésor (BAT) et des Obligations assimilables du Trésor (OAT) à différentes maturités. L’opération visait initialement à récolter 30 milliards FCFA, mais les offres soumises ont atteint 45,84 milliards, soit un taux de couverture impressionnant de 152,8 %. Finalement, ce sont 32,99 milliards FCFA qui ont été retenus, confirmant la confiance persistante des investisseurs dans les capacités de remboursement de l’État malien, malgré un contexte politique incertain.
Fait notable, les fonds mobilisés ne proviennent pas exclusivement du Mali. Parmi les cinq pays contributeurs, la Côte d’Ivoire a injecté 10 milliards FCFA, suivie de la Guinée-Bissau (3 milliards), du Bénin (2,16 milliards) et du Burkina Faso (0,3 milliard). Ce soutien indirect des voisins ouest-africains à la junte malienne peut surprendre, surtout dans une région marquée par des tensions institutionnelles et des débats sur la légitimité des régimes militaires. Pourtant, dans le fonctionnement du marché financier régional, les considérations politiques pèsent souvent moins que la rentabilité des placements.
Une bouffée d’oxygène pour une transition controversée
Ces ressources arrivent à point nommé pour le régime de Goïta, alors que le Mali peine à sortir de la crise sécuritaire et institutionnelle qui l’ébranle depuis plus d’une décennie. Alors que la junte avait promis de rendre le pouvoir aux civils d’ici mars 2024, elle s’oriente aujourd’hui vers un maintien prolongé, voire une légitimation de son pouvoir à travers un mandat présidentiel complet proposé par des assises nationales. L’argent levé sur les marchés pourrait servir à renforcer l’État, financer des projets stratégiques, voire à asseoir l’autorité de la transition militaire.
Le cas malien expose une contradiction croissante dans l’espace UEMOA : la possibilité pour des régimes autoritaires de bénéficier d’un accès fluide aux marchés financiers régionaux. Cela soulève des questions de gouvernance et de cohérence dans une union monétaire où la convergence des règles économiques ne s’accompagne pas nécessairement d’exigences démocratiques communes. En attendant, Assimi Goïta sort renforcé de cette manœuvre, avec dans ses coffres 33 milliards de FCFA et, peut-être, un levier de plus pour prolonger son emprise sur le Mali.