
L’arrestation nocturne de Victoire Ingabire Umuhoza dans la nuit de jeudi à vendredi marque la répression systématique de l’opposition rwandaise. La Rwanda Investigation Bureau (RIB) prétend que la dirigeante du parti DALFA-Umurinzi a « joué un rôle dans la création d’une organisation criminelle et dans des actes visant à inciter la population au désordre public« . Des accusations floues et saugrenues qui masquent mal une stratégie de musellement politique.
Détenue au poste RIB de Remera, Victoire Ingabire, principale voix dissidente du pays, verra son dossier transmis au Parquet national dans les prochains jours. Comme souvent dans ces affaires politiques, aucune date d’audience n’a été fixée et les autorités refusent de détailler leurs prétendues « preuves« , invoquant commodément « l’enquête en cours« .
Les deux chefs d’accusation retenus contre Victoire Ingabire révèlent la nature politique de cette arrestation. Elle est poursuivie pour « création ou participation à un groupe criminel » et « incitation à l’insurrection ou au trouble public« . Ces accusations vagues permettent au régime de criminaliser toute forme d’opposition organisée sous couvert de légalité.
Le droit rwandais, taillé sur mesure pour le pouvoir en place, prévoit des peines de 5 à 25 ans de prison pour ces infractions. La détention préventive peut se prolonger jusqu’à 30 jours renouvelables, offrant aux autorités un moyen de pression considérable sur les opposants.
Un timing révélateur
Cette arrestation intervient juste après que Victoire Ingabire a témoigné dans le procès de neuf militants accusés de comploter un changement de régime. Sa simple présence au tribunal a suffi pour que le juge ordonne au RIB d’enquêter sur ses « liens organisationnels » avec les prévenus. Une démarche qui transforme tout témoin en suspect potentiel et qui vise à museler tous les soutiens de l’opposition.
Plus significatif encore, cette répression s’intensifie alors que le Rwanda prépare un référendum constitutionnel sur le renforcement des pouvoirs présidentiels, prévu fin 2025. Paul Kagame, déjà au pouvoir depuis plus de deux décennies, cherche visiblement à faire taire toute contestation avant cette échéance cruciale.
Victoire Ingabire Umuhoza : opposante détestée du système
Victoire Ingabire Umuhoza, née en 1968, incarne l’opposition rwandaise depuis des décennies. Exilée aux Pays-Bas pendant les années 1990, elle avait fondé les Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi) et est devenue une figure respectée de la diaspora.
Son retour au Rwanda en janvier 2010 pour briguer la présidence s’est immédiatement heurté au mur du système Kagame. Son parti a été refusé à l’enregistrement, prélude à une persécution judiciaire implacable. Dès octobre 2010, elle était arrêtée pour « idéologie génocidaire » et « conspiration« , des accusations devenues le fourre-tout habituel du régime contre ses opposants.
Condamnée en 2012 à 15 ans de prison puis à 8 ans en appel, elle passe six années derrière les barreaux avant d’être libérée en septembre 2018 par une « grâce présidentielle » En réalité un calcul politique face à la pression internationale pour celle qui fut Lauréate du Prix de la Liberté. Entre 2020 et 2024, elle tente de reconstruire une opposition avec son nouveau parti DALFA-Umurinzi, multipliant les critiques contre le quatrième mandat illégitime de Paul Kagame.
L’opposition dénonce un système répressif
Les réactions ne se sont pas fait attendre. La plateforme FDU-Inkingi Europe dénonce sans détour une « arrestation arbitraire » et exige une enquête indépendante. Plusieurs ONG de la région des Grands Lacs pointent un « schéma de criminalisation » devenu la marque de fabrique du régime rwandais.
Victoire Ingabire représentait depuis 2010 le dernier espoir d’une alternance démocratique au Rwanda. En s’attaquant une nouvelle fois à elle, le régime de Paul Kagame envoie un message clair : aucune opposition ne sera tolérée. Victoire Ingabire risque une condamnation pouvant aller jusqu’à 25 ans d’emprisonnement. C’est pourquoi cette arrestation est le révélateur d’une dérive autoritaire assumée.