
Le climat politique au Mali continue de se tendre à mesure que la transition militaire s’éternise. L’ancien Premier ministre Choguel Maïga a ravivé les tensions en critiquant ouvertement le régime en place, dénonçant une confiscation du pouvoir par les militaires. Cette prise de position, rare depuis son départ du gouvernement, a provoqué une avalanche de réactions dans le pays.
La scène politique malienne connaît une nouvelle secousse. Dans une publication virulente diffusée sur les réseaux sociaux le jeudi 18 juillet 2025, l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a frontalement attaqué les autorités de transition, dirigées par le colonel Assimi Goïta. Cette sortie publique, sans précédent depuis son éviction du gouvernement en novembre 2024, relance les critiques contre la junte militaire au pouvoir depuis août 2020 et prolonge le débat sur la légitimité de sa gouvernance.
Dérive autoritaire du pouvoir militaire
Dans son message, Choguel Maïga s’insurge contre la décision des militaires de prolonger leur présence à la tête de l’État sans passer par les urnes. Selon lui, « le peuple n’est pas d’accord qu’un groupe de personnes usurpent son autorité et l’exerce contre lui ». Une déclaration qui sonne comme une dénonciation de la dérive autoritaire du pouvoir militaire, dont le calendrier de transition a été successivement repoussé, et qui prévoit désormais une prolongation de cinq années sans élections.
Ces propos ont déclenché une vague de réactions contrastées à Bamako. Du côté des partisans du régime, certains accusent l’ancien Premier ministre d’aigreur. Une source proche du général Goïta, s’exprimant sous couvert d’anonymat, estime que Choguel Maïga est amer depuis sa mise à l’écart du gouvernement. D’autres voix, comme une responsable de l’association des femmes de militaires maliens, dénoncent une tentative de division au sein des forces armées : « Choguel Maïga veut diviser les militaires mais ça ne marchera pas ».
Contribution à la consolidation du pouvoir de la junte
Mais cette intervention a également été saluée par plusieurs figures de la vie politique malienne, notamment parmi les partis dissous par les autorités de transition. L’un de leurs leaders a rappelé que, si Choguel Maïga a contribué un temps à la consolidation du pouvoir militaire, son revirement reste significatif. « Lorsqu’il parle d’une minorité qui dirige le pays, il a raison. Mais il faut aussi rappeler qu’il a été complice, au moins dans les débuts », confie-t-il.
Pour les opposants plus constants au régime militaire, cette sortie vient appuyer des critiques de longue date. Une figure de l’opposition a déclaré : « Nous avons toujours estimé que la junte va dans le mur. L’ancien Premier ministre dit aujourd’hui la même chose, tant mieux ».
Une junte de plus en plus isolée
Depuis la prise de pouvoir des militaires en août 2020, le Mali a connu une série de bouleversements institutionnels. Deux coups d’État successifs, la suspension des institutions démocratiques, la dissolution de partis politiques, et une gestion autoritaire de la transition ont contribué à une forme d’isolement sur la scène régionale et internationale. Les promesses initiales de retour à l’ordre constitutionnel ont été repoussées à plusieurs reprises, ce qui suscite méfiance et exaspération, y compris parmi les anciens alliés.
Le cas de Choguel Maïga est emblématique : nommé Premier ministre après le second putsch de mai 2021, il fut un temps l’un des visages de la transition, défendant ardemment le projet souverainiste de la junte. Mais son éloignement progressif du cercle du pouvoir et son éviction en 2024 marquent un retournement spectaculaire. Sa nouvelle posture critique reflète le désenchantement croissant d’une partie de la classe politique malienne face à un régime jugé de plus en plus autocratique.